Guernesey 18 mai [18]73, dimanche, 8 h. ½ du m.
J’ai bien peur, mon pauvre adoré, que ta nuit n’ait pas été meilleure que la mienne et cela ne me fait pas rire. Ce qui me ravigoteraita ce serait de savoir que ton pied est tout à fait hors de cause et que tu peux reprendre la clef des champs, la clef des bois, la clef des amourettes [1] aub nez et à la barbe de Corbin lui-même. C’est avec cetc espoir que j’attends de cœur ferme de tes nouvelles ce matin. Puissent-elles ne pas donner un vilain démenti à ma trop bonne confiance. Le temps est bien brumeux et bien maussade ce matin mais j’espère qu’il s’humanisera pour notre promenade tantôt. Je te renvoied ton chapeau dont tu peux avoir besoin, soit pour le soleil, soit contre le brouillard ; quant à moi, il ne peut me servir dans aucun cas. Je ne t’en remercie pas moins et je t’en aime encore plus si c’est possible.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 145
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « ravigotterait ».
b) « aux ».
c) « cette ».
d) « renvoi ».
Guernesey 18 mai [18]73, dimanche, 10 h.
Cher adoré, je suis si contente de ta nuit, si heureuse de ton pied, si reconnaissante de ton amour, que je ne me sens pas de joie, de plaisir et de bonheur. J’ai mieux que bien dormi, je me porte plus que bien, je t’adore. J’attends avec confiance l’exeat [2] de Corbin qui te permettra de reprendre tes bonnes habitudes hygiéniquesa dès demain je l’espère ; en attendant je tourne ma pensée, ma prière, mes vœux les plus ardents du côté de tes chers enfants pour demander à Dieu de te les rendre le plus tôt possible car là est pour toi la santé, le bonheur, et la vie. Pour moi, mon pauvre adoré, je ne peux que t’adorer stérilement ici bas.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 146
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « hygiénniques ».