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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 avril [1836], vendredi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon cher petit CHIROMANCIEN. Vous ne m’aviez pas prédit que vous ne REVIENDREZ pas cette nuit, mais, moi, je l’avais deviné, parce que je sens la différence qu’il y a entre votre AMOUR et le MIEN. Je vous assure qu’il n’y a besoin d’être sorcier pour savoir que je vous aime plus que vous ne m’aimez. C’est une supériorité que vous ne pouvez pas me contester et dont vous vous souciez fort peu que je crois. D’ailleurs, mon pauvre ange, d’après votre science, je n’ai pas d’autre mission que de vous aimer. La ligne [cette ligne est dessinée ici, verticalement] du cœur étant très marquée, celle du bonheur, étant très vaguea, pour ne pas dire absente. Le cœur, en langue chiromantique, c’est l’amour [nouvelle ligne, encore plus grande]. Le bonheur : c’est d’être aiméb et voilà mon partage.
Je t’aime donc. C’est peut-être à cause de cela que je fais de ta présence ma joie, de ton haleine mon souffle, de tes yeux mon soleil, de ta voix ma musique, de tes paroles un écrin merveilleux où l’œil de l’esprit est ébloui.
Je t’aime, mon cher adoré. Ce n’est pas ta faute, ni la mienne si tu ne m’aimes pas autant que je t’aime. Cela tient au petit fouillis que j’ai dans le milieu de la main. Ou bien à ce que je suis arrivée trop tard, ou bien encore à ce que je suis trop indigne de toi. Mais moi, je t’aime, je t’aime pour deux, je t’aime pour tout le monde. J’ai plus d’amour dans mon petit doigt qu’il n’y en a sur toute la terre.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 306-307
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) Autre dessin, vague en effet :

© Bibliothèque Nationale de France

b) Petit gribouillage :

© Bibliothèque Nationale de France

15 avril [1836], vendredi soir, 8 h. ¼

Je t’aime, toi. Tu as beau faire et beau dire, je t’aime. Nous verrons si tu tiendras ta fameuse promesse ce soir. Quant à moi, je suis sous les armes. Je t’aime, toi ; je te trouve beau, toi ; je t’admire, vous, mon grand Toto. Depuis que je t’ai vu triste et gêné pour ton travail, je veux te donner toute latitude à ce sujet et te prie de ne plus penser à moi, du moins jusqu’à nouvel ordre.
Je veux que tu donnes ta pièce où tu voudras, quand tu voudras et à qui tu voudras. L’important pour moi est que tu sois heureux, que je ne sois pas un obstacle dans tes affaires. Je veux que tu ne me comptes plus pour rien dès qu’il s’agit de toi.
Dites donc, mon cher petit homme, je compte sur votre promesse bien plus que sur votre menace de ne pas venir. Aussi je vais me coucher, le cœur plein d’amour et d’espoir. Nous verrons lequel de nous aime mieux l’autre. Je crois sans amour-propre que ce sera moi. Oh ! oui, je t’aime. Tu n’en trouveras pas une seconde pour t’aimer comme je le fais.
J’en suis bien sûre et j’en suis fière.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 308-309
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

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