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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 avril [1836], mardi matin, 8 h.

Bonjour mon cher adoré, bonjour toi, le soleil de ma vie, le paradis de mon âme. Bonjour, mon Toto bien-aimé. Pauvre cher bijou, je vous ai à peine entrevu cette nuit à la clarté douteuse de ma lampe et, sans la trace de bonheur que m’onta laissée vos baisers et sans la pomme d’or qui a crû en une nuit sur mon prie-dieu, je croirais ne vous avoir vu qu’en rêve.
Je t’aime Toto, va. Je t’adore mon cher petit amant, mon grand poète, mon beau soleil chaud et bienfaisant. Je t’aime.
Voici venir un bain que j’ai commandé ce matin parce que je veux lessiver Claire avant de la mettre en pension. Pour prêcher d’exemple je vais m’y mettre d’abord afin d’être bien blanche et bien parfumée pour quand vous viendrez tantôt.
Je t’aime. J’ai le cœur plein d’amour et d’extase. Je voudrais être l’ongle de ton petit doigt ou un cheveu de ta tête pour être toujours avec toi et ne vivre que de toi. C’est bien fou et bien bête tout ce que je te dis là [1]. Eh bien, dans mon cœur c’est encore plus fou et plus délirant que ce que je te dis ; les mots n’ont aucune signification auprès de la réalité, je t’aime, je t’adore, je baise vos pieds, vos mains et... le reste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 296-297
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « mon ».


12 avril [1836], mardi, 9 h. du soir

Que je t’aime, mon Toto ! Que je t’aime, tous les jours davantage ! Quelles délicieuses heures nous venons de passer ensemble et quel dommage qu’elles se soient si vite écoulées ! Quelle joie ce serait pour moi si tu pouvais m’en donner encore ce soir, que nous passerions d’une manière encore plus charmante. Je t’aime, mon pauvre ange. Ça n’a pas l’air de ce que ça est, dit avec des petits zig-zags noirs ; mais si tu entendais l’accent profond que ce mot a dans mon cœur et si tu voyais mes yeux en ce moment, tu ne pourrais t’empêcher de reconnaître que c’est bien vrai que je t’aime jusque dans les entrailles.
Jamais, mon cher petit bijou, nous n’avons eu une aussi belle occasion de bon marché que ce soir, c’est étourdissant, c’est à ne pas croire. Sais-tu que ma cheminée est vraiment mirifique avec ces deux charmants vases. O mon pot, mon pot...
C’est égal, nous sommes deux petits amants fièrement heureux. Nous nous aimons comme on s’aime dans le ciel et les vases du Japon poussent et fleurissent pour nous chez les Mme de [illis.] du coin.
À propos, j’espère que la tant célèbre Didine et la trombe Dédé n’auront pas trouvé mes deux petites tasses au-dessous de leur mérite et de leur colère. Je serais bien charmée si vous étiez assez amoureux pour m’en apporter la nouvelle à présent mais je vous récompenserais bien et ça serait très gentil.

Juju

BnF, Mss, NAF 16326, f. 298-299
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

Notes

[1Deux ans plus tard, Hugo fera dire à don César, dans Ruy Blas : « C’est bête comme tout ce que je te dis là ».

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