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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 mars 1847

16 mars [1847], mardi après-midi, 3 h.

J’espérais te voir tout à l’heure, mon Victor, car je pensais que c’était aujourd’hui jour d’Académie. Probablement tu n’auras pas pu y aller et je ne sais pas quand je te verrai. Cependant j’ai bien besoin de te voir. Tant que tu n’es pas venu, il ne fait pas jour dans mon cœur et je sens que j’existe par le besoin que j’ai de te voir. J’achève ma lettre avant de m’habiller, mon cher adoré, pour décharger mon cœur du trop plein d’amour qui le déborde. Merci, mon Victor, merci mon généreux homme, merci mon courage, merci mon honneur, merci ma joie, merci mon bonheur, je te bénis.
Je crains que Suzanne, qui vient de partir au marché, ne tarde à rentrer, ce qui me gênerait pour m’habiller et me ferait peut-être manquer l’heure. Cela me contrarie on ne peut pas davantage. Ah ! la voici… tant mieux. C’est que pour rien au monde je ne voudrais perdre une seconde le bonheur d’être avec toi. Aussi je vais me dépêcher dare-darea pour être plus tôt auprès de toi. Je voudrais bien trouver une autre station que Mlle Féau mais je n’en vois pas. Si tu pouvais m’en indiquer une, j’alternerais avec elle et cela me serait moins désagréable. En attendant je suis très contente d’y aller aujourd’hui, surtout si je ne dois pas t’y attendre longtemps.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 66-67
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « dar dar ».


16 mars [1847], mardi matin, 11 h.

Je viens à toi, mon doux ange gardien, mon refuge, ma providence, le cœur plein d’amour, de foi et de reconnaissance. Va, je me sens bien forte aujourd’hui et bien au-dessus de toutes les infamies de ce monde [1]. Je me sens heureuse et honorée, je suis bien sûre que je suis digne de ton amour et de ta confiance. J’ai la conviction glorieuse que la goutte divine que Dieu m’avait donnée, après avoir été fange, est redevenue perle sous les rayons vivifiantsa de ton amour. Je n’ai plus rien à expier de mon passé et je suis pure devant ton doux regard et devant l’œil sévère du bon Dieu [2]. Aussi que m’importentb toutes les turpitudes qui se disent sur moi et qui se font autour de moi, cela ne peut ni m’atteindre ni m’effrayer. Tu m’aimes et je t’aime, tout le reste n’existe pas pour moi. Je me sens joyeuse de penser que je t’appartiens tout entière, je suis heureuse de sentir que tout mon être ne relève que de toi. Sois béni, mon Victor, dans tout ce qui t’appartient et que tu aimes. Que ma reconnaissance et mon amour soient des titres pour te donner le bonheur dans cette vie et dans l’autre. Je te baise, je t’aime, je t’adore, je te souris, je suis calme, je suis heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 68-69
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « vivifiant ».
b) « que m’importe ».

Notes

[1Probable allusion aux récentes médisances de Mme Rivière et d’Eugénie (voir lettre du 15 mars).

[2Juliette était actrice de théâtre lorsqu’elle a rencontré Victor Hugo. La vie légère qu’elle menait avant de le rencontrer, elle la « rachète » par sa fidélité totale à Hugo — scellée par leur « mariage mystique » de 1839 —, à qui elle pense devoir sa rédemption.

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