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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 19 août 1854, samedi matin, 11 h.

Bonjour, mon petit Toto, bonjour, ma joie, bonjour, mon amour béni. Voici une admirable journée, mon cher petit homme, toute rempliea de soleil dans le ciel. C’est grand dommage que nous ne puissions pas en faire une journée de loisir et de fête pour nos cœurs. Heureusement que je t’aurai un peu demain, malheureusement ce qui sera bien partagé puisque nous ne serons pas seuls ensemble, mais enfin j’en prendrai le plus que je pourrai ; plein mes yeux et plein mon âme. Je suis allée chez Guay hier au soir leur faire mon invitation et leur demander mon compte. Ils se sont empressés d’accepter l’une et de me donner leur livre de dépenses pour que je voie par moi-même ce que j’ai dû dépenser pour ma part. Cette manière de procéder est on ne peut pas plus loyale et plus désintéressée mais ils ont omis le charbon, l’éclairage supplémentaireb et les frais de linge de table sans parler du dérangement et de la perte de temps nécessités par une cuisine régulière et plus dispendieuse que leur ordinaire [1]. Tout cela, mon cher adoré, sauf meilleur avis de ta part, me paraît devoir être puisé par tiers de ma part au lieu du quart comme l’indiquerait notre nombre collectif. Enfin tu verras ce que je dois faire pour être vraiment juste dans cette répartition. Je vous aime, mon pauvre bien-aimé, juste le temps d’accepter une corvée sterling. Je ne m’en plains pas, de la corvée, mais je me plains très fort et très haut de vous avoir vu si peu que je ne sais pas au juste si c’est bien vous ou votre seul et unique gilet rouge défoncé. Tu vois que les grogneries de Suzanne ne se sont pas fait attendre mais cela ne me surprend pas, tant s’en faut. Du reste je suis très décidée à ne pas m’en faire la moindre contrariété ni le moindre souci : la France est trop près et les communications trop faciles pour que je me laisse imposer une tyrannie stupide et hors de propos par cette pauvre créature lunatique et malingre. Pourvu que je sois auprès de toi et que tu m’aimes, tout le reste m’est égal comme deux œufs. En me mettant en pension à demeure, toutes les difficultés de mon isolement dernier disparaissent, il n’y a donc rien de bien embarrassant dans ma situation. Je te le répète, pourvu que je sois auprès de toi et que tu m’aimes, je me fiche du reste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 257-258
Transcription de Chantal Brière

a) « tout rempli ».
b) « suplémentaire ».

Notes

[1Juliette, qui bénéficie de l’hospitalité des Guay, est gênée de perturber leurs habitudes et leur train de vie, d’autant qu’ils se débattent dans des difficultés financières.

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