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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 janvier [1843], dimanche matin, 11 h. ¾

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme. Comment vas-tu ce matin ? J’espère qu’il ne t’est rien arrivé cette nuit mon Toto bien-aimé ? Ce vent affreux m’a tenue éveillée toute la nuit, ou du moins bien avant dans la nuit. Voilà deux nuits qu’il me rend bien malheureuse, ce maudit vent, par la peur qu’il me fait. Si vous étiez bien gentil vous viendriez me garder par des temps pareils et alors je serais bien tranquille et bien heureuse au lieu d’être bien tourmentée et bien malheureuse.
Est-ce que tu auras encore ta demoiselle aujourd’hui ? Voici qui m’effraie encore plus que le vent. La présence de la mère et de son cabas ne me rassure pas du tout et je commence à regretter sérieusement la permission d’[essayer  ?] que je vous ai donnée dans un moment de générosité imprudente. Ce serait cependant bien horrible si vous abusiez de ma confiance et de mon dévouement dans cette circonstance, et vous seriez un monstre et un affreux scélérat que rien ne sauverait de mes griffes et de mon grand couteau. Convenez que j’aurais raison, ou plutôt, dites-moi que vous êtes incapable d’une aussi odieuse trahison, dites-moi que vous m’aimez et je le croirai de toute mon âme parce que je vous aime et que rien ne donne plus de défiance et de confiance à la fois.
Pense à moi, mon ange adoré, sois-moi bien fidèle et aime-moi. De mon côté, je pense à toi avec admiration et avec adoration, je n’ai pas une pensée qui ne soit pour te désirer et pour te bénir. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 47-48
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


15 janvier [1843], dimanche soir, 11 h. ½

Je vais te voir, n’est-ce pas mon amour ? Je ne veux pas ne pas l’espérer. Pendant que j’espère, je suis moins seule et moins triste. Te voir, c’est ma vie, ma joie, mon bonheur, mon tout. N’est-ce pas que tu vas venir mon adoré ?
Mme Pierceau s’est en allée à 10 h. avec Mme Franque qui était venue passer la soirée avec nous. Mais tout cela, mon pauvre ange, ce n’est pas toi, ce n’est pas le bonheur, c’est moins que rien. J’aime mieux être seule tout à fait même pour penser à toi à mon aise. Ce qu’il me faut c’est toi. Tout le reste m’est importun.
J’ai eu et j’ai encore un mal de tête excessif. Je suis très mal à mon aise. Ce soir peut-être me trouveras-tu couchée quand tu viendras, car il faut que tu viennes, ne fût-cea qu’une minute, mais ne t’en effraie pas, ce ne sera rien qu’une migraine ordinaire.
J’ai regardé l’époque de l’assurance, c’est le 22 janvier et jusqu’à présent tu as toujours payé à jour fixe. Il te reste encore le bénéfice de ton treizième mois dont tu n’as pas encore usé. Quant à moi j’ai laissé passerb l’époque d’un renouvellement 6 janvier capital 48 francs. Ce sont des mouchoirs et des chemises. J’enverrai demain la reconnaissance chez Lanvin car il serait fâcheux de perdre cela puisqu’on a tant fait jusqu’à présent.
Mon cher adoré, si tu ne viens pas ce soir je ne sais pas ce que je deviendrai tout le reste de la nuit et tout le jour de demain. Je te conjure mon cher petit homme de ne pas passer ce soir sans venir m’embrasser. Si tu ne viens pas malgré mes prières, je ne t’en voudrai pas mais je serai bien triste et bien malheureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 49-50
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».
b) « passé ».

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