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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 janvier [1843], mardi matin, 11 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé. Bonjour mon cher amour adoré. Comment vas-tu et comment va ton petit Toto ce matin ? Vous voyez bien que vous n’êtes pas venu, affreux petit menteur que vous êtes ; une autre fois je ne vous laisseraia plus sortir. J’ai reçu une lettre de mon beau-frère [1] et un petit mot pour toi qu’il laisse à ma disposition pour te le montrer ou pour le supprimer selon que je le jugerai à propos. Ce pauvre homme se défie de ses forces et il n’a pas tort. Mais, enfin, telle quelle, tu verras sa lettre et tu lui tiendras compte de l’intention et de l’émotion. Il se défend d’une manière tout aimable pour le prix de la Cocotte et me prie de ne pas établir de compte qui constaterait son insolvabilité envers nous. Il paraît qu’auparavant de m’envoyer cette Cocotte, il en avait essayé une qui a presque dévoré ma soeur. Il croit celle que j’ai maintenant assez douce et pouvant servir à deux fins, c’est-à-dire aux deux sœurs. Mais je m’y oppose formellement ; l’exemple de la première me suffit.
Il fait un bien vilain temps, mon amour. Tâche de ne pas t’enrhumer en allant à ta répétition. Prenez garde, encore, de ne pas faire le galantin avec les diverses péronnelles qui rôdent autour de vous. Songez que j’ai là mon saint Paul et que vous aurez des coups sur votre nez si vous hasardezb la plus petite trahison. Vous pouvez compter là-dessus comme si vous la teniez. Sur ce, baisez-moi et pensez à moi et aimez-moi.
J’ai la tête assourdie des cris de Cocotte et des miaulements de Fouyou qui juge à propos de mêler sa voix harmonieuse à celle de la petite scélérate de Cocotte. Quelle braillarde ! Décidément j’aime mieux une perdrix aux choux. Ça fait moins de bruit et c’est meilleur. Une autre fois je n’hésiterai pas entre celle-ci et celle-là. En attendant mes pauvres oreilles ne sont pas à la noce. Mais je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 29-30
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « laisserez ».
b) « hazardez ».


10 janvier [1843], mardi soir 5 h. ½

Votre sucre, votre eau, votre drogue, votre Juju, tout ça vous attend avec impatience. Pauvre ange, tu es peut-être retenu au théâtre par des affaires ennuyeuses ? Si cela est, et si tu m’es bien fidèle, je te plains mon pauvre petit homme adoré. Pour moi, mon pauvre ange, j’ai reçu une lettre que je suppose de la Ribot, mais que je n’ai pas ouverte. Mignon et Lafabrègue sont venus à leur réplique. L’horloger a apporté la fameuse pendule, en bon état, à ce qu’il assure, et je la lui ai payée tout de suite : 5 francs. Il a remporté l’autre. Eulalie n’est pas venue et pour peu qu’elle tarde, je n’aurai plus de quoi la payer parce que c’est demain la blanchisseuse à qui je dois deux blanchissages : 14 francs 10 sous et enfin la cardeuse de matelas que j’ai fait demander à Jourdain pour qu’elle vienne demain me finir mon matelas commencé cet automne par Suzanne.
Je profite d’un déménagement qui a eu lieu dans ma maison aujourd’hui et qui laisse libre un petit appartement qu’on doit faire réparer tout de suite. C’est l’intervalle entre les ouvriers et les locataires dont je profiterai mais il me faudra encore de l’argent pour cela. Bref, je suis toujours à crier misère et tu me donnes un argent fou. Je ne sais pas à quoi cela tient. J’aime mieux te parler d’autre chose. J’aime mieux te dire combien je t’aime, mon cher adoré, et combien je serais heureuse si tu venais dans ce moment-ci. Voilà déjà qu’il est bien tard pour prendre ta drogue. Je suis fâchée maintenant, dans mes idées superstitieuses, d’avoir apprêté toutes tes affaires d’avance. Une autre fois je ne le ferai pas, cela te fera peut-être venir plus tôt. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 31-32
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Renée-Françoise Gauvain, sœur de Juliette Drouet a épousé Louis Koch. Ils vivent en Bretagne.

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