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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 9 avril 1854, dimanche après-midi, 4 h.

Il paraît que vous vous considérez comme quitte envers moi ce tantôt, mon cher petit homme, et que vous ne reviendrez plus que pour me dire bonsoir. C’est grand dommage que votre compte ne fasse pas le mien car je me considère depuis ce matin comme lésée, lésée parfaitement lésée, comme dit la mère Triger, il me semble que vous m’en redeviez et beaucoup et qu’une petite promenade n’aurait été qu’un faible complément à ma matinée. Enfin ce n’est pas votre opinion et ce n’est pas mon rabâchage qui peut vous en faire changer, je le sais et je me tais… en murmurant bis, rebis, ter, reter et quator. Je viens d’avoir la visite de la famille Guay et j’ai profité de l’occasion pour payer les souliers du jeune Toto, lesquels ne coûtent que 8 shillings british. Qu’est-ce que me dit donc Suzanne que tu es absorbé par le hideux Collet ? Il ne fallait plus que cela pour le compléter dans ma répulsive antipathie. Maintenant s’il faut que les pauvres petites minutes de bonheur sur lesquelles je compte soient grignotées par toutes ces vermines humaines, ce ne sera guère amusant et j’aimerais mieux crever tout de suite de ma belle mort que d’être en proie aux punaises démagogues et aux poux communistes. Après cela si tu n’y mettais pas une si lâche complaisance, cela n’arriverait pas mais il est dit que je dois épuiser tous les genres de vexation de cette vie. Tout ce que je pourrais dire et faire pour m’y soustraire ne servirait qu’à m’y enliser davantage. Je me résigne mais ce n’est pas sans peine, j’espère pourtant que tu ne pousseras pas ta déférence pour cette vieille canaille jusqu’à ne pas venir du tout. Après cela faisa comme tu voudras, en somme c’est bien le moins que je laisse toute latitude et toute liberté en cette circonstance comme en toutes les autres à venir puisque je t’aime c’est [assez ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 136-137
Transcription de Chantal Brière

a) « fait ».

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