Paris, 8 juin 1880, mardi matin 8 h.
Vivat ! Mon cher bien-aimé ! Tu as eu une bonne nuit et moi aussi, et l’hydraulique Saint Médard [1] n’a pas encore pu lâcher son arrosoir sur nos vieilles caboches. J’espère qu’il ratera son entrée complètement cette fois-ci aux Zuées [2] et à la risée du ciel et de la terre. Tu sais que tu as Sénat aujourd’hui ? À trois heures séance publique et convocation générale dans tous les bureaux, depuis un jusqu’à neuf [3]. Je suis forcément obligée d’attendre jusqu’à ce soir que Paul Meurice me dise sous quelle rubrique je dois envoyer ta lettre aux démocrates Marseillais [4]. Quantin a envoyé tout à l’heure chercher le bon à tirer de la préface nouvelle des Odes et Baladesa [5]. Mais je n’ai pas voulu te réveiller et je lui ai fait dire de revenir à midi. Ai-je bien fait mon maître ? En attendant ta réponse, je te prie à nouveau de te souvenir que c’est aujourd’hui jour à argent, et qu’il faut m’en donner car il me reste pour toute fortune en ce moment soixante et dix centimes. Excusez du peu, mais c’est comme cela et je n’en suis pas plus riche pour ça, c’est humiliant. Bah ! Je m’en fiche et je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 151
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « Ballades ».