Paris, 7 janvier 1880, mercredi matin, 8 h.
Bonjour, mon doux adoré, j’espère que ta nuit a été meilleure que les précédentes et je souhaite que tu dormes encore d’un bon sommeil jusqu’à l’heure de tes œufs que j’irai te faire gober moi-même à neuf heures.
Je viens de voir ton cher petit Georges se rendant allègrement à son école. Nous nous sommes envoyé mutuellement un tas de bonjours et de baisers. Hélas ! cela me fait penser qu’il ne dînera pas ce soir avec nous ni sa sœur non plus. C’est triste. D’autre part, comptant sur tout ce cher petit monde-là, j’avais commandé une régalette des rois qu’il va falloir dévorer presque à nous seuls à moins de demander aide aux Lesclide et à Talmeyr . C’est ce dont tu seras juge tout à l’heure.
Je te fais penser que je suis à sec de toile et d’argent, ayant eu à payer beaucoup de petites notes de bourrelets, [1] de serrurier, de menuisier etc. etc. en dehors de la dépense ordinaire. Il faudra en outre payer l’intérim d’Henriette pendant dix jours, au moins vingt francs.
D’autre part il va falloir la remplacer par une autre intérimaire de confiance dont Rosalie et Clémence répondront. Cela donnera le temps à Mariette de guérir si, comme on l’espère, la pauvre femme doit guérir assez pour reprendre son service auprès de toi. Pour ma part, je le désire de tout mon cœur pour toi et pour elle. [2] Je t’aime.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 10
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin