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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 septembre [1847], mercredi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon cher petit endormi, bonjour. C’est votre tour le matin de roupiller, le mien c’est le soir. Cependant vous voyez qu’au besoin je sais très bien me réveiller et faire la CONVERSATION. C’est dommage qu’elle ne dure pas plus longtemps mais l’essentiel n’est pas de beaucoup parler mais de bien parler. Parlons peu JE parlons bien, dit BOSSUETa.
À propos, j’ai oublié de vous demander de l’argent, de sorte que je vais être obligée de prendre encore cinq francs en vous attendant, ce qui fera en tout 15 F. Je vous en donne avis par écrit afin qu’il n’y ait pas d’embrouillamini dans nos comptes et parce que je suis très capable d’oublier. Avec cela que j’ai mon pauvre œil à la coque, ce qui me gêne beaucoup.
Eh ! bien, vous êtes ébloui de MON MANUSCRIT [1]. Vous en êtes écrasé, mais je dois vous rendre la justice que vous avez fait bonne continenceb. Quelqu’un qui vous connaîtrait moins que moi ne se serait jamais douté de la commotion effroyable que vous supportiez avec autant de courage que de sang-froid. Vous avez été immense et sublime de résignation. ON NE PEUT PAS TOUT AVOIR et surtout ON N’EST PAS PARFAIT [2]. À preuvec. TOTO, PRÊTE-MOI CENT SOUS ?

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/56
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) Le mot, écrit en lettres très capitales, occupe à lui seul les trois-quarts de la ligne.
b) « continance ».
c) « preuves ».


15 septembre [1847], mercredi après-midi, 1 h. ½

Si tu savais, mon Victor, quelle soif et quelle faim j’ai de toi, tu comprendrais mon impatience et tu la partagerais parce que tu es bon et que tu ne voudrais pas me voir souffrir. Tout ce que je fais pour m’occuper et pour me distraire ne sert qu’à me faire paraître le temps plus long. Rien ne peut donner le change à l’ardent besoin de mon cœur et de mon âme. Aussi, tout ce qui n’est pas toi m’est insupportable ou indifférent. La seule distraction que je désire et qui me soit vraiment douce et charmante, c’est de te copier. Malheureusement cela m’arrive bien peu souvent et à de bien longs intervalles. Ce n’est pas ta faute je le sais et ce que je t’en dis n’est pas un reproche mais un regret. Cher bien-aimé, je veux que tu sois content de moi à tout prix. Pour cela, je tiens le plus que je peux mon impatience en bride et je t’attends avec courage et le sourire sur les lèvres. Je ne veux pas que tu me trouves triste et maussade, même à la surface. Je ne le veux pas absolument.
Pauvre adoré, si occupé, si doux, si grand, si noble, si dévoué, si sublime en toutes choses. Je ne veux pas être ingrate envers toi, même en apparence. Je veux être heureuse puisque mon bonheur t’intéresse, je veux te sourire puisque ma joie te tranquillise. Je veux t’aimer puisque mon amour, c’est ma vie. Je veux t’adorer pour être digne de toi.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/57
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

Notes

[1Juliette fait-elle référence à ses mémoires de couvent qu’elle a rédigés, du 7 au 9 septembre1847, à la demande de Hugo qui s’en servira pour Les Misérables ?

[2À élucider. Juliette reprendra cette citation à plusieurs reprises en 1847, le lendemain notamment.

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