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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 septembre [1849], lundi matin, 8 h.

Comment vas-tu mon bien-aimé ? Mon pauvre malade, mon ravissant et ineffable petit être, comment as-tu passé la nuit ? Si j’en crois ce que m’a dit Vilain hier au soir, si j’en crois les prières ardentes que j’ai faites à cette intention au bon Dieu, tu dois être guéria ce matin et dormir comme un bon petit loir [1]. Cependant je n’en serai sûre que lorsque je t’aurai vu et baiséc sur toutes les parties convalescentes de votre cher petit corps. J’espère aussi que ce dernier orage qui vient de dégager l’atmosphère et de rafraîchir l’air contribuera pour sa part à hâter ta guérison et que nous pourrons enfin songer à faire notre petit voyage annuel [2]. J’attends 10 h. avec bien de l’impatience pour savoir jusqu’à quel point toutes mes espérances sont fondées. En attendant, je fais tout ce que je peux pour écarter toutes les craintes contraires qui vont et viennent dans mon esprit et qui ne demanderaient pas mieux que de me harceler le cœur si je les laissais faire. Mais je résiste courageusement en pensant que tu allais déjà beaucoup mieux hier au soir. Dans la possibilité de te faire porter du bouillon aujourd’hui, je fais mettre le pot au feu à présent. Si tu n’as plus de fièvre, mon cher petit homme, tu ferais bien de ne pas prolonger la diète ainsi que te l’a dit M. [Requin  ?] [3]. Je voudrais qu’il fût 10 h., que tu sois guéri et que je puisse passer toute la journée auprès de toi. En attendant, mon cher petit homme, je te baise à toutes les places où je t’aime, c’est-à-dire partout.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 241-242
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « guérie ».


3 septembre [1849], lundi soir, 8 h.

Cher bien-aimé, le petit garçon d’Eugénie m’apporte la nouvelle que tes rougeurs n’ont aucune gravité et que le médecin ne te trouve pas plus malade que ce matin. Ceci me tranquillisea un peu, mais pour que je sois tout à fait contente, il faut que tu ne souffres plus du tout et que tu redeviennesb tout de suite mon beau Toto triomphant, mon cher petit goinfrec, et le représentant de cent dix-sept mille hommes. Jusque-là, je ne pourrai pas m’empêcher d’être tourmentée et malheureuse. J’espère que Vilain profitera de la compagnie de Charlot qui a dîné chez lui tout à l’heure pour aller savoir de tes nouvelles ce soir et pour m’en apporter en même temps. Quand je suis auprès de toi, ma sollicitude se borne à la réalité et je n’ai que le chagrin de te voir souffrant, ce qui me suffit et au-delà, car rien ne m’est plus insupportable que de te voir souffrir de quelque manière que ce soit. Mais, dès que je ne t’ai plus sous les yeux, ma pensée ne sait que s’ingérer pour m’inquiéter et pour me torturer le cœur. Je sais bon gré à Eugénie de m’avoir fait savoir que cette apparition de rougeurs qui me tourmentait n’est rien. Maintenant il s’agit, mon cher bien-aimé, de te guérir bien vite de ces vilaines douleurs qui te font souffrir et qui t’ôtent tout repos. Si je pouvais les prendre à mon compte, il y a longtemps que je t’en aurais débarrassé et que tu serais sur tes chères petites pattes, occupé à courir la prétentaine Chaumontel et Poléma. Malheureusement, mon dévouement et mon amour ne peuvent pas te rendre ce bon office, ce dont j’enrage de toutes mes forces.

Juliette

MVHP, Ms a8276
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « tranquilise ».
b) « redevienne ».
c) « goinffre ».

Notes

[1Victor Hugo souffre d’un rhumatisme aux jambes depuis le début du mois.

[2Les deux amants effectueront leur voyage annuel du 8 au 17 septembre 1849. Ce voyage les mènera de Compiègne à Moreuil en passant notamment par Amiens, Abbeville, le Tréport, Dieppe et Beauvais.

[3À identifier.

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