13 août [1849], lundi après-midi, 4 h.
Je sais que Toto, deuxième, est à Compiègne pour huit ou dix jours. Je sais que votre femme part demain avec son adorable fille pour quinze jours au moins. Je sais que Charlot passe ses déjeuners, ses diners, ses couchers et autres repas dans une baignoire plus ou moins humide. Je sais tout cela, mais cela ne suffit pas à ma curiosité et à mon bonheur. Je voudrais savoir encore ce que vous allez faire pendant les dix jours de Compiègne, les quinze jours de Villequier, les bains permanents de Charlot et autres clefs des champs dont vous êtes si abondamment pourvu ? J’ai la plus grande confiance en vous, en Chaumontel, en Mme Poncin [1], voirea même dans le carabinier de Charles, quoiqu’il soit de moins en moins amusant, mais cependant et je voudrais bien savoir avec qui, quelleb ou quoi vous comptez partager ce loisir et manger de la viande deux fois par jour ? Soyez donc assez aimable pour me renseigner à ce sujet afin que je sache où vous allezc [vous] trouver le cas échéant. Il me serait désagréable de demander à d’autres ces précieux renseignements, et puis d’ailleurs j’aime à comparer entre elles mes informations histoire de décanter la vérité et de la tirer à clair, par instinct chimique voilà tout. En attendant, mon adoré, vous tardez bien à venir. On dirait que vous n’avez jamais souffert de l’absence d’un être aimé ou que vous ne vous en souvenez plus. Quant à moi, je sens mon mal et je trouve qu’il serait bien temps d’y apporter quelques adoucissements. J’en éprouve le besoin sans oser l’espérer. Aussi, je suis triste dans l’âme et je t’aime par-dessus toute chose au monde, même le bonheur.
Juliette
MVHP, Ms a8262
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux
a) « voir ».
b) « qu’elle ».
c) « aller ».