22 juin [1849], vendredi matin, 7 h. ½
Bonjour mon Toto, bonjour, je me lève aussi triste et aussi désappointée que je me suis couchée. Malheureusement je ne vois pas de raison pour être plus gaie le reste de la journée, ni demain, ni après-demain, surtout après demain DIMANCHE, car il est peu probable que tu aies plus de temps à me donner ce jour là que les autres. Il faut que je tâche seulement de garder mon ennui pour moi seule au lieu de t’en entretenir à chaque instant. Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, comment ça va-t-il ? Je ne sais pas à l’heure où tu viendras me chercher et même si tu viendras aujourd’hui puisqu’il arrive quelquefois que vous n’ayez pas de séance, mais je me tiendrai prête à tout évènement à midi ½. Dis-moi, mon adoré, est-ce que tu n’as rien à me faire copier ? Il me semblait que si ; dans ce cas là, il vaudrait mieux profiter du jour long et ne pas attendre à l’hiver, et puis cela me donnerait la patience d’attendre le bonheur en supposant qu’il doive jamais revenir. Si tu peux penser à cela et si tu en as le temps, cherche-moi beaucoup de belles strophes à COPIRE. D’ici là, je grognonne tout doucement afin que tu ne m’entendes pas et je m’embête à deux sous l’heure. Il est vrai que je t’aime à six millions par minute, ce qui fait qu’au total l’amour l’emporte sur l’ambition.
Juliette
MVHP, MS a8230
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine