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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 juin 1849

11 juin [1849], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon doux bien-aimé, bonjour, mon âme, bonjour, ma joie, bonjour, ma vie. Voici que je me lève seulement et toujours assez mal en point. Cependant je veux aller à cette séance pour toutes sortes de raisons qui sont toutes enfermées dans celle-ci : TE VOIR. Je ne suis pas tellement comblée de ces bonnes occasions-là pour que je laisse échapper celle-ci sous prétexte d’une petite indisposition ridicule. Je serai donc rendue à midi à l’Assemblée. Une de mes craintes est de n’avoir pas de place parce que dans les séances prévues intéressantes il y a des gens qui font [la] queue depuis le matin de très bonne heure. Si tu ne me voyais pas en arrivant tu saurais que je suis chez Mme Sauvageot ; et tu pourrais en parlant à un employé de service à une tribune obtenir qu’il me fasse placer de préférence à un autre dès qu’il y aurait une place vacante, ce qui arrive souvent parce que beaucoup de personnesa ne restentb pas jusqu’à la fin de la séance. D’abordc je ne renoncerai à assister à cette séance que lorsque je ne pourrai plus faire autrement. Je veux te voir, je veux être auprès de toi, plus encore aujourd’hui qu’un autre jour. Je veux que mes yeux viennent en aide à mon âme pour te garder de tout mal. Je veux… Je voudrais mourir pour toi mon sublime et divin bien-aimé.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1849/42
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

a) « personne ».
b) « reste ».
c) « Dabord ».


11 juin [1849], lundi matin, 10 h.

Je ne veux pas m’en aller sans t’avoir dit encore une fois combien tu es mon adoré bien-aimé, ma joie et mon bonheur. D’abord il faut que je me récupère de ma journée d’hier pendant laquelle je ne t’ai rien gribouillé, aplatiea que j’étais par la courbature et le reste. Aujourd’hui que je vais mieux je me rabiboche moi-mêmeb et je lâche la bonde [1] à mes tendresses trop longtempsc contenues. Je me hâte cependant parce que je veux arriver à temps pour être placée [2]. Mais j’ai une peur affreuse de faire une course inutile et d’en être pour mon pied de nez [3]. J’avoue que cela me sera très sensible et que je bisquerai [4] horriblement, mais qu’y faire ? Vous seul pourriez lever la difficulté, mais vous ne serez pas là et puis vous ne voulez pas commettre votre dignité de représentant [5] jusqu’à solliciter un laquais, ce qui, par ce temps d’égalité et de démocratie, est passablement aristo et réac. Aussi je ne me réjouis pas comme je le devrais de la pensée d’être avec vous toute une bonne après-midi parce que je n’ai pas l’espoir que cela réussisse. Pour m’en dédommager je vous gribouille le plus que je peux tout ce qui me passe par le cœur et je vous aime à fond de train et de Juju.

Leeds, BC MS 19c Drouet/1849/43
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

a) « applatie ».
b) « soi-même ».
c) « long-temps ».

Notes

[1Lâcher la bonde d’un étang : lâcher les eaux. (Littré).

[2Juliette Drouet désire assister à la séance de l’Assemblée législative pour voir Victor Hugo.

[3Il a un pied de nez, se dit de quelqu’un d’attrapé, qui n’a pas réussi ; par allusion au geste du pied de nez. (Littré).

[4Bisquer : éprouver du dépit. Mot très populaire et banni du langage sérieux. (Littré).

[5Le 13 mai 1849, Victor Hugo a été élu à l’Assemblée législative.

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