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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 juillet [1842], jeudi matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto chéri. Bonjour mon cher amour, comment vont vos petites pattes ? Comment Toto II a-t-il passé la nuit ? Si vous étiez bien gentil et si vous m’aimiez comme autrefois, vous viendriez me le dire auparavant d’aller chez Louis-Philippe [1]. Mais il n’y a pas de danger que vous veniez et je peux aller me promener, dîner en ville et faire les quatre cent dix-neuf coups sans que vous vous en inquiétiez. Décidément vous êtes trop gauche. Voime voime trop académicien. Taisez-vous. Vous m’avez bien apporté la branche en question, n’est-ce pas ? Cependant vous veniez en ligne très directe hier au soir. Mais vous ne pensez à moi que quand vous me voyez, c’est-à-dire très rarement. Taisez-vous encore, vous êtes une bête. Ca va être gentil votre compliment. Là là Monsire Matame, il êdre pête gomme aine oie la tisgours te monsire le brésident te l’agatémie vranzaisse. La Roi il êdre fexé gomme ain tinton et les agatémiziens auzi. C’est bien fait, ça leur apprendra à ces vieux bonshommes à vous faire entrer dans leur sein ravissant. En attendant, tâchez de m’apporter tout de suite cette fameuse adresse afin que je juge par mes yeux jusqu’où peut aller le ROMANTISME et le CRÉTINISME HUMAIN ET ACADÉMIQUE. J’attends ma péronnellea aujourd’hui, je ne sais pas à quelle heure par exemple. Peut-être ne sera-ce que ce soir pour le dîner. Je crois que si tu te donnes la peine de lui parler sérieusement, il faut que tu aies l’air d’être convaincu et que tu ne lui laisses pas croire, ce qui n’est pas, que tu cèdes à mes obsessions en lui disant de salutaires vérités. Mais je ne pense pas que tu aies le temps de lui dire grand-chose aujourd’hui, c’est à peine si je pourrai t’embrasser et savoir comment tu vas. Hélas !!!

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 269-270
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « péronelle ».


21 juillet [1842], jeudi après-midi, 3 h. ½

Désappointement sur désappointement, sans parler de celui qui me tient le plus au cœur, qui est de ne pas vous voir à tous les instants de ma vie. Voici mes embêtages d’aujourd’hui : Premier embêtage, pas de coiffeur. Second embêtage, plus sérieux, pas de fille. À la place, Mlle Hureau et une lettre de Claire qui m’annonce qu’elle la met en retenue.

10 h. ½ du soir

Mme  Triger vient de s’en aller, mon Toto chéri, et j’en profite pour te dire que je t’aime, mon adoré, que tu n’as jamais été plus beau, plus noble, plus charmant, plus adorable et plus adoré qu’à présent. Ce que tu m’as dit de ce pauvre roi m’a fait une impression de profonde tristesse. Pauvre homme, on comprend peu du reste l’affreux chagrin qu’il éprouve.
Tu as été bon, mon cher ange, tantôt en écrivant cette lettre à Mlle Hureau. Tu as forcé ta chère petite main à faire ce travail au risque de la rendre plus malade mais j’espère au contraire que cette bonne action te portera bonheur et que tu seras guéri plus tôt. J’attends avec bien de l’impatience ce fameux discours. Oh ! oui, mon adoré, avec bien de l’impatience, car je suis sûre que tu te seras surpassé encore dans cette adresse au roi. Pauvre bien-aimé, tu y auras mis de ton génie et de ton cœur si grand, si noble et si loyal. Sois béni mon adoré, tu es aussi bon que tu es grand.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 271-272
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Le roi de France, qui vient de perdre son fils, reçoit Hugo qui lui présente les condoléances de l’Académie Française.

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