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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 juillet [1845], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon pauvre petit éclopéa, bonjour, comment que ça va aujourd’hui ? Si ça ne va pas bien, je vous ficherai des bons coups pour vous forcer à vous soigner mieux que vous ne le faites. Il est ridicule de souffrir avec cette ténacité. Il faut absolument que tu te soignes, mon adoré, et même que tu consultes quelqu’un. Cher petit bien-aimé, je ne veux pas que tu souffres. Je sais bien que ce n’est pas dangereux, mais cela te gêne et te fatigue beaucoup dans un moment où tu as le plus besoin de liberté d’esprit et d’écrire. Je voudrais que tu mettes du sparadrap et que tu consultes M. Louis ou un autre. Ne sois pas entêté, tu n’en as pas le droit, toi, la Bretagne ne t’a pas donné le jour [1]. Sais-tu, mon Toto adoré, que je serai bien vexée si tu es obligé d’aller à Coulommiers. Je serai peut-être vingt-quatre heures sans te voir, ce qui m’est odieux à penser et à supporter. Ton scélérat de beau-frère [2] devrait bien se charger de cette corvée. Je lui promets en retour mon estime et mon admiration. Propose-lui ce marché, je suis sûre qu’il y topera. En attendant, je ris jaune, car je prévois que tu seras forcé de faire cette excursion. Décidément, les métiersb d’héritier et d’amoureuse ne sont pas tout rosesc. J’en suis plus que convaincue pour ma part. Cher adoré, je ne veux pas te grogner, au contraire. Je veux te sourire. Souris-moi. À propos de souris, Fouyou en a pris une cette nuit, mais il m’en reste encore assez pour t’en donner tant que tu voudras. Baise-moi, aime-moi et viens bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 79-80
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « écloppé ».
b) « le métier ».
c) « rose ».


27 juillet [1845], dimanche soir, 5 h. ¾

Cher adoré bien-aimé, merci des deux bonnes petites heures que tu m’as donnéesa. Elles m’ont rendue bien heureuse. Cette journée est au nombre des plus belles de ma vie. Merci, mon ange beau, doux et charmant. Merci, mon Victor adoré, merci de toutes mon âme. Je ne sais pas quand tu reviendras ce soir, mais je sais que je t’attends avec toutes sortes d’adorations et d’admirations dans le cœur. Je te dis tout ce que j’éprouve au hasard, comme je peux, je me répète sans m’en apercevoir, car il me semble que c’est toujours pour la première fois que je te dis ces mots si doux : je t’aime. Mais cela ne te fait rien, mon ignorance, pourvu que je t’aime comme tu dois être aimé, tu ne t’occupesb pas de quelle façon je le dis. Aussi je ne m’occupe jamais quelle forme mon amour prend sur le papier. Je t’aime, je t’aime, je t’aime et puis voilà tout. Je voudrais bien que tu prissesc l’habitude de te frictionner tous les jours comme faisait l’empereur. Je suis sûre que tu ne te ressentirais plus de tes douleurs rhumatismales au bout de très peu de temps. Je t’avais déjà donné une brosse douce à cette intention il y a trois ou quatre ans. Je ne sais pas ce que tu en as fait, mais tu peux en faire acheter une autre et, si tu ne veux pas de mes services, te faire frotter par Étienne. Pense à cela, mon Victor adoré, et ne te laisse pas envahir par les douleurs petit à petit. Et puis je te baise, tu es mon Victor toujours plus aimé et plus adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 81-82
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu m’as donné ».
b) « tu ne t’occupe ».
c) « tu prisse ».

Notes

[1Juliette est bretonne.

[2Une affaire d’héritage oblige Hugo à se rendre à Coulommiers récupérer un papier administratif.

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