Guernesey, 24 mars 1860, samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon grand bien-aimé ; comment as-tu passé la nuit et comment se comporte ta petite blessure ce matin ? J’espère que tout va bien et que tu as dormi comme un loir. Du reste la grêle continue de tomber à courts intervalles comme si on la donnait pour rien de là-haut. Cependant Dieu sait que je la paie d’un second rhume, ce qui est un peu cher pour une aussi mauvaise marchandise ; il est vrai de dire aussi que je fais tout ce que je peux pour me soustraire à l’obligation de rester encore deux mois au lit et je crois que j’y parviendrai car déjà que je me suis esbignée [illis.] le rhume de poitrine avec un art perfide mais rassurant. J’espère que ta fille et Mme Julie [1] auront pris toutes les précautions pour ne pas attrapera froid en sortant du bal de Mlle Loisel cette nuit. Mais en même temps je voudrais être sûre qu’on ne t’a pas remis hier ton drap mouillé dans ton lit. Vraiment mon cher bien-aimé, ta passion pour l’aération de ton lit et de ta chambre te pousse à des imprudences très sérieuses en les laissant exposés à tous les vents et à toutes les plaies qui sont en permanence ici depuis si longtemps, et si tu m’en croyais, mon pauvre adoré, tu tiendrais ta literie à couvert et tes fenêtres closes pendant les pluies et le brouillard et tu m’aimerais pour ce bon conseil [2].
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 60
Transcription de Claire Villanueva
a) « attrapper ».