Guernesey, 25 septembre 1859, dimanche, 1 h. ¼ après-midi
Je ne m’étonne pas de ne pas te voir, mon cher bien-aimé, car je sens que tu es retenu chez toi par les derniers devoirs d’une hospitalité qui doit finir demain matin avec le départ de Mme Colet, mais je n’en suis pas plus gaie pour cela [1]. Le temps persiste à être beau et j’entends qu’on joue au tonneau, ce qui me laisse dans le doute si vous ferez la promenade en voiture projetéea hier ou si tu feras une dernière lecture à cette beaucoup trop heureuse madame. Quant à moi, je tâche de me faire un simulacre de lard avec la croûte de mon pain sec sur ma mie et de bonheur fictif avec la restitus en guise de vous ; tout cela constitue une joie assez morne. Ah ! Voici Chougna qui aboie, serait-ce vous ? Je commence à le croire car voilà Suzarde qui descend quatre à quatre pour t’ouvrir. Justement, te voilà, Dieu soit béni et toi aussi. 2h après-midi. Ô oui, je t’aime, mon Victor, plus que les paroles les plus tendres et les actes les plus dévoués ne peuvent l’exprimer.
Juliette.
Bnf, Mss, NAF 16380, f. 215
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « projettée ».