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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 juillet [1844], samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon bien cher, bien admiré et bien adoré Toto. Comment vas-tu ce matin, mon amour ? Tu ne m’en veux pas, n’est-ce pas ? Si tu savais combien je suis malheureuse de cette nouvelle infirmité qui m’arrive, loin de m’en vouloir et de me prendre en grippe, tu me plaindrais et tu m’aimerais pour ce que je souffre. J’ai eu toutes les peines du monde à me rendormir cette nuit et toute la nuit j’ai été agitée comme si on m’avait fouettée avec des orties. Ce matin, ma pauvre tête pèse deux mille livres. Je suis bien ridicule avec toutes mes descriptions de podagreries [1]. Je t’en demande pardon, mon cher amour. Si j’étais avec toi toujours, cela ne m’arriverait pas. Je serais heureuse, gaie et bien portante et, au lieu de mettre du noir sur du blanc comme je le fais dans ce moment-ci, je mettrais des bons baisers bien tendres sur ta jolie petite bouche rose, ça serait plus amusant. C’est donc votre faute à vous si je geins, si je grogne et si je souffre. Si vous avez un peu de conscience, mon Toto, vous devez m’en aimer davantage. Je te supplie, mon pauvre petit homme adoré, de m’aimer parce que je ne peux pas vivre sans ton amour. Je te supplie de venir le plus que tu peux parce que ta vue, c’est mon bonheur et ma joie. En attendant, il faut que je sois bien courageuse, bien patiente et bien résignée. J’y fais tout mon possible, ma tête en sait quelque chose. Je t’aime, mon Toto chéri, je suis jalouse, je ne te le dis pas parce que je ne veux pas t’ennuyera mais je suis très jalouse. Avec cette disposition d’esprit, tu dois comprendre combien ton absence m’est insupportable.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 255-256
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « t’ennuier ».


13 juillet [1844], samedi soir, 9 h.

Mon cher petit bien-aimé, je suis très décidée à vous attendre sans me coucher tout le temps qu’ila faudra ; coûte que coûte, j’attendrai. Je n’ai pas besoin, moi, de ne pas vous voir. J’ai le besoin tout contraire, je vous en préviens ; aussi, je resterai debout jusqu’à ce que vous soyez venu. Je n’ai pas voulu marcher tantôt parce que je sortais du bain, que je n’étais pas habillée et qu’il était trop tard pour se mettre en train. D’ailleurs, je ne regrette pas ma promenade puisque j’ai passé le même temps avec toi, cela m’a fait autant de bien comme cela. Ce n’est pas de marcher qui me fait du bien, c’est d’être avec toi. Oui, mon cher adoré, c’est la vraie vérité et vous le savez bien.
Je suis très contente que tu aies écritb à M. Pradier [2] ; si quelque chose peut lui faire plaisir, c’est une marque d’approbation de toi. Si quelqu’un peut avoir quelque influencec sur lui, c’est encore toi. C’est pour cela, mon adoré, que je te supplie d’être bon et cordial avec lui par intérêt pour ma pauvre fille [3]. Je ne veux pas, cependant, que cette cordialité aille au-delà de lui personnellement [4], tu m’entends bien, n’est-ce pas, mon amour ? Et tu n’iras pas au-delà du service que je te demande, n’est-ce pas, mon adoré ? Je t’ai déjà dit que j’étais jalouse ce matin, je te le répète ce soir parce que, loin d’avoir diminué, ma jalousie s’accroît encore de cette mauvaise chance que mon dévouement maternel me force d’encourir. Je t’aime, mon Victor adoré, je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 257-258
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette
[Siler]

a) « qui ».
b) « écris ».
c) « quelqu’influence ».

Notes

[1Juliette a parfois des crises de goutte.

[2Douglas Siler émet l’hypothèse que la lettre de Hugo peut concerner l’expositio ouverte le 13 juillet à l’atelier de Pradier (James Pradier, Correspondance, ouvrage cité, t. III, p. 71, n. 1).

[4Juliette Drouet redoute le contact de Hugo avec la femme de Pradier, Louise.

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