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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 juin 1844

22 juin [1844], samedi matin, 10 h.

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, bonjour, je t’aime malgré plaie et bosse. Pauvre adoré, je crois bien que je t’aime malgré mon horrible bosse, je t’aimerais même davantage, si c’était possible, à cause de la peine que cela t’a fait. Figure-toi, mon Toto adoré, que j’ai eu beaucoup de peine à m’endormir tant la tête me faisait mal dans toutes les positions. Ce matin, j’en souffre encore mais beaucoup moins et ma grosse bosse s’est étendue sur une plus grande surface : c’est moins hideux à voir. Je ne sais pas si c’est ce soir que tu vas à Neuilly [1] ? Dans tous les cas, je me tiendrai prête. On ira chercher Claire tantôt et on la conduira chez son père avant de me l’amener. Je vais me dépêcher de faire mes soixante-quinze tours [2] mais ce qui me retarde beaucoup, c’est la nécessité d’aider Suzanne en presque tout. Cette pauvre fille continue d’être languissante et sans force et je suis obligée de faire les trois-quarts de sa besogne [3]. Je ne m’en plains que parce que cela m’empêche d’être toujours prête à sortir quand tu viens me chercher. Du reste, je trouve tout simple d’aider cette pauvre fille tout le temps qu’elle est malade. Je t’aime, je t’adore, toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 179-180
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette


22 juin [1844], samedi soir, 5 h. ¼

Je suis bien éclopée et bien blaireuse, n’est-ce pas, mon bien-aimé ? On ne sait par quel bout me prendre, j’en suis vraiment honteuse. Ce qui me gêne le plus, c’est cette douleur dans le cou et dans l’épaule. Tous les mouvements que je fais me font mal, je suis vraiment bien gentille. Je n’ose plusa me bouger dans la crainte de m’assommer, je suis dans une veine de maladresse absurde. Je n’ai pas osé accepter l’offre de sortir ce soir parce que ma tête pèse mille livres et que je ne peux pas faire un pas sans douleur. Cependant, si la douleur me quittait ce soir et que tu sois toujours dans la même disposition, je la saisirais avec enthousiasme. Être avec toi, c’est la joie de ma vie. Ce dont je me plains, ce n’est pas de ne pas sortir, c’est de ne pas te voir assez, si je peux jamais te voir ASSEZ. Aussi, si tu veux me donner ma sortie en restant auprès de moi, je serai la plus heureuse des femmes et je narguerai le torticolis. Mais, hélas ! J’en doute car tu ne parais pas disposé à rester auprès de moi plus d’un quart d’heure, quelles queb soient mes instances et mes prières. J’en ai le cœur triste et navré d’avance. Je suis si sûre que tu ne viendras que très tard et que tu resterasc très peu que j’en suis déjà découragée. Pourtant, mon cher adoré, tu sais bien que je n’ai pas d’autre joie au monde que toi et tu es la bonté même. Pourquoi donc ne viens-tu pas davantage et ne restes-tu pas plus longtemps ? Si tu m’aimes, cela doit être facile.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 181-182
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « plus plus ».
b) « quelque soit ».
c) « restera ».

Notes

[1À élucider.

[2À élucider.

[3La domestique Suzanne a été très malade.

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