Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1837 > Décembre > 18

18 décembre [1837], lundi après midi ¼

Bonjour mon petit bien-aimé. Je prends la CHOSE SÉRIEUSEMENT puisque vous le voulez. Aussi suis-je triste ce matin et sérieusement affectée de l’éloignement invincible que vous avez pour ma pauvre vieille carcasse. J’ai passé ma nuit à ne pas dormir, mais comme vous m’avez assurée qu’au bout de huit jours d’essai et de patience je parviendrai à dormir comme un loir, je m’en rapporte à vous et si cela ne réussit pas ça ne me regardera plus.
J’ai reçu ce matin une lettre de Saumur [1]. Comme il n’y a pas d’interdiction sur celle-là, du moins je le crois, je l’ai ouverte. J’aurais pu la refermer sans qu’il y paraisse, mais je suis loyale avec vous dans toutes mes actions, vous pouvez le croire car c’est bien vrai. Du reste la lettre ou les lettres sont insignifiantes et ne contiennent que des lieux communs de compliments et des nouvelles de santé.
J’ai entendu le canon tout à l’heure. J’ai cru qu’il y avait une seconde édition des journées de Juillet mais en soufflant dans mes doigts pour les réchauffer j’ai compris qu’il ne s’agissait que de la chambre des députés [2] ce qui est beaucoup plus en harmonie avec la température du moment.
Mon Victor je t’aime. J’ai plein mon cœur d’amour qui déborde et dont je ne sais que faire. Je l’emploie cependant à toutes sortes de choses pour l’user plus vite sans en venir à bout. Je t’admire, je te vénère, je t’adore et mon cœur est toujours plein. D’autre part je me fais honte, je me trouve petite et stupide et méchante. C’est un moyen de me percer le cœur pour laisser couler l’amour. Eh bien le trou ne sert qu’à en faire entrer davantage. Que faire ? se résigner. C’est ce que je fais et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 183-184
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


18 décembre [1837], lundi soir, 8 h. ½

Mon cher bien-aimé, je ne t’en veux pas. Je t’aime. Je suis triste et souffrante parce que je t’aime. Je n’ai pas le courage de te dire autre chose que ces deux mots : je t’aime. Si je t’écrivais davantage je t’affligerais inutilement. Je sais que ce n’est pas ta faute si tu ne viens pas plus souvent et je sais aussi que ce n’est pas ma faute si je souffre de ton absence. Bonsoir donc mon adoré. Je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 185
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1C’est à Saumur que Claire était en pension chez Mlle Watteville entre 1834 et 1836.

[2C’est ce jour en effet que s’ouvre la session parlementaire de la quatrième législature.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne