Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1838 > Février > 1

1er février 1838

1er février [1838], jeudi 1 h. ¼, après-midi

Bonjour mon adoré bien aimé, toujours plus grand et toujours plus aimé. J’ai bien peu dormi cette nuit mais en revanche j’ai beaucoup pensé à vous. J’ai repassé dans ma tête tous les beaux vers que j’avais entendus et ce sont les applaudissements qui m’étaient restés dans l’oreille qui m’ont probablement tenue éveillée toute la nuit [1]. Quelle belle représentation. Plus la pièce est jouée, et plus elle est comprise et admirée, c’est que jamais rien de plus grand et de plus beau ne s’était montré à l’intelligence humaine. Il semble en sortant de là que le public soit plus grand lui-même. C’est du moins l’effet que cela me fait à moi. Que je t’aime mon adoré ! Il me faut toujours en revenir là : je vais de l’amour à l’admiration et l’admiration à l’amour sans pouvoir et sans vouloir jamais sortir de ce cercle. C’est si doux de t’aimer, c’est si beau de t’admirer que ce que j’ai de mieux à faire c’est de recommencer jusqu’à la consommation de ma vie. Jour mon petit o, je vais me lever pour déjeuner en tête-à-tête avec Claire. Je voudrais bien savoir si on donnera mon Hernani demain. Il faudrait que ces sociétaires fussent bien stupides et bien hostiles pour arrêter un succès de gloire et d’argent pour eux, chose qui ne leur arrive pas tous les jours, soit dit en passant. Je t’aime, toi. Je t’adore. Et vous ?

Juliette

Collection particulière / MLM / Paris, 71953
Transcription de Gérard Pouchain


1er février [1838], jeudi soir, 7 h. ½

Tu n’es pas revenu, mon cher adoré, heureusement que Mme Pierceau n’avait pas à sortir. J’ai fait au reste ma petite sortie sur le théâtre et j’ai trouvé la même discrétion et le même silence dans Mme Pierceau. Il est évident que depuis la 1ère représentation de HERNANI, il s’est passé quelque chose d’extraordinaire que nous ne connaissons pas. Tout cela ne serait rien et moins que rien si cela n’empêchait pas les écus d’arriver dans notre poche. Je dis notre poche comme la servante du curé. Pauvre adoré, quelle haine et quelle animosité, et comme tu restes bon, noble, généreux et grand au milieu de tout ça. Que je t’aime, mon Toto. Que je te trouve beau, que je te trouve admirablement bon. Mon Dieu, que je t’aime. Je voudrais te le dire toujours et te le prouver toujours. Je voudrais être ton chien pour te suivre partout et me coucher à tes pieds, bien vrai, bien vrai, mon Toto adoré. Si tu pouvais venir bientôt, ça serait bien heureux pour mon pauvre cœur. Je prendrais ton cher petit bras et nous irions à pied jusque chez nous en nous aimant bien. QUEL BONHEUR ! Je t’attends, mon Victor chéri. Je vous attends, Nono. Soir, pa, soir, man, dors bien mon enfant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 37-38
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

Notes

[1Hernani est repris à la Comédie-Française les 20, 23, 25, 27, 29 et 31 janvier et les 6, 9, 12, 18, 21, 23 février.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne