Lundi après midi 3 h. ½
20 juillet 1835a [1]
Mon cher petit Toto, en l’honneur de votre fête, je me donne le plaisir de vous écrire une fois de plus aujourd’hui. Et puis cette lettre a un double motif, celui de vous demander pardon de la lettre triste et mouzonne que je vous ai écriteb ce matin, quand je croyais que vous étiez resté chez vous sans travailler.
Mon cher petit homme, mon petit saint, pardonnez-moi mon crime qui vient de trop vous aimer. Si vous saviez comme je me repens, vous ne pourriez pas vous empêcher que de me pardonner dix cent mille fois.
J’en reviens toujours à mes moutons, qu’il est triste de ne pouvoir pas vous donner seulement un mirliton, ni un pain d’épice pour votre fête, sous prétexte que nous sommes de pauvres gueux. Je suis fièrement vexée. Allez, je voudrais être une bonne fois millionnaire. Vous verriez un peu comme je vous souhaiterais votre fête ainsi qu’à M. Toto second. Ce ne serait que pain d’épices en or finc, sucres d’orge en rubis, dragées en perles fines, marmelade de diamants et autres, sans compter les cerises à l’eau de vie. Ce serait fameusement phame. En attendant, j’en suis réduite à voir passer votre fête à mon nez et à ma barbe sans rien dire, et de payer des billets au sieur Rouveix qui est venu tout à l’heure. Si vous croyez que c’est là ce qui rend une femme heureuse !
Voici bientôt l’heure d’envoyer chercher la fameuse robe. Je brûle de la voir, mon Dieu ! pourvu qu’elle plaise.
À bientôt mon Toto, mon Victor.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 132-133
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) Date rajoutée sur le manuscrit d’une main différente de celle de Juliette.
b) « écrit ».
c) « ors fine ».