Lundi midi
Bonjour, mon cher petit homme, sommes-nous encore grognon ce matin ? Je vous permets d’être un peu mouzon contre moi à cause de la vie que je mène : si cela continue, je serai la femme métamorphosée en marmotte. Il est impossible de dormir plus longtemps et plus fort que je ne le fais depuis quelques jours. Ce qui m’empêche de crier trop fort contre cette sommeillomanie qui s’est emparée de moi, c’est que votre chère petite personne a trouvéa moyen d’être de la partie. Toute la nuit je suis avec vous, je parle à vous, je vis avec vous, je suis heureuse ou malheureuse à cause de vous, absolument comme dans la réalité. Je gagne cependant quelque chose de plus à rêver, car je ne vous quitte pas un seul instant, tandis qu’éveilléeb, je vous attends depuis un bout de la journée jusqu’à l’autre.
Mon cher petit Toto, je t’aime. Si tu savais à quel point, tu en serais fou de joie. Je vais me lever et m’habiller. N’en soisc pas jaloux, toutes mes occupations ne m’empêchent pas une seconde de penser à toi, de t’adorer, de te désirer.
Il me semble que le temps commence à s’humaniser. S’il veut continuer, je lui vote la croix d’honneur afin de faire resplendir sa boutonnière à l’égal de celle du chevalier [Goll [1] ?Goss ?]
Je t’aime toi, tant pis si je dis des bêtises.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 130-131
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « trouvée ».
b) « éveiller ».
c) « soit ».