Guernesey, 13 mars 1859, dimanche, 8 h. du m[atin]
Bonjour, mon cher bien-aimé ; bonjour du fond de mon cœur et de toute mon âme. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que nous passerons une bonne soirée ensemble aujourd’hui chez Mlle Loisel. C’est avec cet espoir et à cette intention que je fais tout mon possible pour me dépatraquer, mais je n’y réussis guère jusqu’à présent. Cependant, je ne perds pas encore courage car je suis bien sûre que le moment venu d’être avec toi, tous mes bobos s’en iront honteux et confus devant mon bonheur et ma joie. En attendant, la pauvre Suzanne continue d’être bien triste. Je l’ai entenduea pleurer longtemps après qu’elle a été montée dans sa chambre. Pauvre fille ! Je comprends son chagrin, d’autant plus profond qu’elle s’était promise d’aller vivre et se reposer auprès de ce frère célibataire comme elle. Maintenant que ce pauvre garçon est mort, il lui semble qu’elle est seule au monde, quoiqu’elle ait encore sa mère, une sœur et des neveux. Je compatisb à son chagrin et je tâche de lui donner les seules consolations qui soient en mon pouvoir ; c’est-à-dire plus de douceur, plus de patience, plus de bonté et plus d’effusion qu’auparavant. Tout à l’heure, elle ira à la messe. J’espère qu’elle en rapportera la résignation dont elle a besoin. En attendant, je prie Dieu pour toi et pour elle, la pauvre affligée, et je te bénis du fond de mon cœur.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 67
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « entendu ».
b) « compâtis ».