Vendredi après-midi, 1 h. ¼
Mon cher petit Toto, je t’aime tant que je ne sais pas comment te le dire. Mais enfin, je t’aime de toutes les forces de mon âme. Je viens de voir passer ton cher petit Toto [1] à toi qui est bien après toi le plus gentil bonhomme qui se puisse voir. Aussi je lui ai envoyé le plus gros baiser que j’ai pu à travers l’espace. Il y a à peine une heure que je t’ai quitté et me voilà te désirant comme s’il y avait quinze jours de cela. Je ne risque rien que d’attendre surtout si tu travailles aujourd’hui. Et encore, je n’ai pas la ressource de me plaindre parce que, comme j’ai eu du bonheur hier et aujourd’hui, il est de toute nécessité que je n’en aie pas tantôt. Mon amour est mis au régime du garçon : quand il dîne, il ne soupe pas, et quand il soupe, il ne dîne pas [2]. Moitié insurgée et moitié résignée, je vais tâcher de passer la journée en t’attendant. Pour me faire trouver le temps moins long, je m’en vais t’aimer à la tâche. Nous verrons lequel viendra le plus vite et aimera le plus de nous deux.
N’oubliez pas que c’est demain que N. [3] fait votre [bonhomme ?]. J’ai oublié de lui demander s’il avait une patente. Mais quel que soit le travestissement dont il vous affublera, mon cœur vous reconnaîtra toujours.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16323, f. 137-138
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette