2 juin [1842], jeudi matin, 8 h. ¾
Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher amour, comment vas-tu ce matin, comment va notre cher petit garçon ? J’ai rêvé de vous deux toute la nuit. Mais de toi surtout, mon adoré, et d’une manière si douloureuse que j’en suis encore toute affectée. Dieu veuille que ces affreux rêves ne présagent pas d’affreuses réalités. Comment vas-tu, mon Toto chéri, comment m’aimes-tu, mon amour adoré ? Tâche donc de venir tantôt si tu sors pour travailler ou pour aller à l’académie. J’ai tant besoin de te voir, mon Toto, que tu devrais faire tout ton possible pour me donner ce bonheur-là plus souvent dans la journée. Il fait un temps ravissant mais cela ne me réjouit pas le cœur. Il n’y a que toi qui aie cette puissance. Le soleil, la joie, le bonheur, c’est toi. Tout le reste c’est l’ombre, la tristesse et le chagrin. J’ai la mort dans le cœur en pensant que cette année se passera encore sans voyage comme la précédente [1]. Plus je vais, plus mon amour grandit, plus le bonheur d’être avec toi se rétrécit et devient à rien. Aussi, je [suis ?] découragée et triste au-delà de toute expression. Mais je te fatigue, mon Toto, je t’ennuie avec toutes mes plaintes, tu finiras par me prendre en grippe. Je ferais bien mieux de garder tous mes chagrins pour moi et de t’embrasser de toute mon âme quand par hasard l’occasion se présente.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16349, f. 103-104
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette
2 juin [1842], jeudi après-midi, 2 h. ½
Je viens de finir vos petits gants, mon cher adoré, vous pourrez les prendre tantôt si vous voulez. J’ai un mal de tête féroce, je ne sais que devenir, je souffre beaucoup. J’ai le dedans des mains brûlantes et le cœur me tourne. Enfin je suis très malheureuse. Si j’osais, si je ne craignais pas de vous embêter outre mesure, je vous demanderais à quelle occasion vous avez entamé cette magnifique paire de gants jaunes ? Si vous ne voulez pas me le dire, j’en penserai ce que je voudrai et nous n’en serons pas meilleurs amis pour ça ; en attendant je me livre à mon humeur folâtre et je pleure comme une bienheureuse que je ne suis pas. Jour Toto, jour mon petit o. Je vous aime. Tu dois commencer à être moins tourmenté maintenant sur ton petit garçon, n’est-ce pas mon pauvre amour, puisqu’il va mieux et que M. Louis le trouve bien ? Il n’y a plus que patience à prendre maintenant pour la convalescence [2]. Quant à moi, je ne suis pas la dernière à la désirer et à la hâter de tous mes vœux ; pauvre petit, c’est un peu mon enfant aussi. Baise-le pour moi, mon Toto, et je te le rendrai des lèvres et du cœur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16349, f. 105-106
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette