Guernesey, 23 juin [18]70, jeudi, 3 h. ½ après-midi
La nécessité de recevoir le GOUVERNEMENT DE GUERNESEY [1] à heure fixe m’a empêchée de gribouiller mon bonjour matinal comme d’habitude, mon cher grand, grand, grand bien-aimé. Je prends ma revanche maintenant sans perdre une minute car la voiture va bientôt arriver et je ne veux pas la faire attendre ni petite Jeanne encore moins. Je suis bien contente que tout soit arrangé entre toi et le gouvernement local, non pas tant pour la diminution d’impôt que j’y gagne moi-même que pour l’ennui évité d’un déménagement extra océan [2]. Je sais bien que ce n’est qu’un ajournement de trois ans, mais d’ici-là nous avons le temps de les voir revenir et d’aviser. En attendant il serait bon d’intervenir pour la soupe de la petite Jeanne et empêcher qu’on ne la lui donne aigrie et mal faite. Mariette, butée, ne veut pas s’en mêler, la nourrice a peur de Marie et Mme Chenay s’y entend comme à ramer des choux, moi je m’adresse à toi pour venir en aide à cette chère petite fille qui m’intéresse autant que je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 173
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette