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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 décembre [1839], samedi après-midi, 4 h.

Je t’écris tout de suite une grande lettre, mon adoré, parce que mon bobo a interverti l’ordre et la marche habituelle de mes petits triquemaques et puis je t’avais vu, ce qui m’a donné un peu de joie et de patience pour t’écrire plus tard. Quelle belle journée aujourd’hui, mon Toto, et quel dommage de n’en pouvoir pas profiter. Je ne t’en veux pas, pauvre bon ange, seulement je dis que la fée du guignon aurait bien dû se tenir tranquille et ne pas s’opposer à une bonne petite promesse faite ensemble bras-dessus bras-dessous comme deux bons petits amoureux que nous sommes. J’ai là une lettre dont je ne remets pas l’écriture, ce doit être d’un créancier probablement, voici la saison où cette vilaine fleur-là s’épanouita et nous empoisonne de son parfum peu oriental. Enfin il faut savoir en passer par là et respirer même à son aise au milieu de tous ces ennuis et de toutes ces senteurs. Suzanne va se distinguer après anneaux, moi je me distingue dans mon amour et je n’ai pas besoin d’eau de cuivre pour ça. J’ai un mal de tête Sterling, cela tient à la mauvaise nuit que j’ai passée, décidément je ne peux rien manger [illis.] soir ; mais ça ne m’empêchera pas de souper avec toi. Je ferai attention à ce que je mangerai, voilà tout. Pense donc, mon adoré, que je n’ai guère que ces rares chances de bonheur et s’il fallait encore me les ôter je ne sais pas ce que je deviendrais. Aussi, mon bon petit homme, je t’en supplieb, ne me prive pas de toutes les occasions de souper avec toi que tu peux me donner sous aucun prétexte. Mon Dieu, que j’ai mal à la tête, je n’en peux plus. J’ai cependant beaucoup à faire. Si je veux mettre à jour mes comptes de fin d’année auparavant de recommencer l’autre, mais je doute que j’en aie le courage. Quel malheur ! Je t’aime, mon adoré. Je t’aime, mon Toto, je t’aime, je t’aime, aime-moi aussi, mon bon petit homme par reconnaissance et surtoutc par amour car j’en ai besoin pour être heureuse et surtout pour vivre. Donne-moi tes petits pieds que je les baise, tes petites mains que je les croque, ta bouche que je la respire, tes yeux qui m’éblouissent, ton âme qui me confond et que j’adore. Tâche de venir un moment auparavant la nuit, j’ai tant besoin de te voir et de t’embrasser. Tâche de venir, mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 211-212
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « s’épanouie ».
b) « suplie ».
c) « sur tout ».

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