Guernesey, 30 mai [18]70, lundi, 6 h. ½
Cher bien-aimé, je te salue au nom du Père Charles, et du Fils, petit Georges, de Cacane ainsi soit-il et je t’adore. J’ai passé une très bonne nuit. Tâche d’en avoir fait autant de ton côté. J’ai retrouvé dès hier avant de me coucher tous les couplets des deux chansons que tu as faites. J’espère, je suis sûre, même, que je n’ai rien oublié de ces deux adorables petits poèmes de printemps et d’amour. Tout à l’heure je les écrirai, sauf ponctuation, que je t’abandonne et pour cause. Le temps me paraît gros d’orage. Il serait bien qu’il eût lieu aujourd’hui plutôt que demain pour ne pas retarder le voyage de ta chère petite caravane des Barricades [1]. Je lui sacrifie volontiers notre promenade de tantôt. Tel est mon style. Dites donc, môssieur, vous me devez quinze sous ! Sans compter le tas d’or que j’ai mis en réserve pour vous… à courte échéance car demain, sans plus tarder, il me faudra de l’argent, beaucoup d’argent, savez-vous ?
BnF, Mss, NAF 16391, f. 150
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette