Guernesey, 7 octobre 1860, dimanche, 3 h. ¼ après-midi
Tous les soleils sont donc absents aujourd’hui ? Aussi bien celui du bon Dieu que celui de la Fallue [1] ? C’est triste et madame Juju s’en plaint à qui veut et ne veut pas l’entendre. Encore si tu pouvais me revenir tout à l’heure gai, content et heureux je ne trouverais pas que j’ai perdu ma peine à t’attendre. Mais voici plusieurs jours que tu es absorbé par des préoccupations tristes qui influent sur ton humeur d’ordinaire si égale et si charmante. Si j’étais sûre que tu n’en souffres pas je me résignerais sans rien dire mais tu conviens toi-même que voilà plusieurs nuits que tu ne dors pas, ce qui prouve que tu es agité plus que tu ne le dis. J’espère pourtant que ta séance avec Kesler [2] t’aura un peu dégagé et satisfait autant que cela est possible jusqu’à présent. Aussi, mon cher adoré, je t’attends tout cœur et toute âme dehors. Tâche de ne pas trop tardera car la journée me semble bien longue et bien vide sans toi malgré tout ce que j’y entasse de choses, d’affaires et d’occupations de toutes sortes. Cher petit homme, permettez-moi de vous dire que vous avez complètement tort de mettre toute votre literie au brouillard comme vous le faites encore aujourd’hui. Si c’était moi qui fasse cela vous n’auriez pas assez de triques à me casser sur le dos et vous auriez raison ; tâchez donc de ne pas vous donner tort en faisant justement vous-même ce que vous blâmeriez en moi et apportez-moi le plus vite possible votre cher petit bec à baiser.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 263
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « tardé »