Guernesey, 19 sept[embre] [18]72, jeudi matin, 7 h. ½
Comment as-tu passé la nuit, mon cher bien-aimé et comment vas-tu ce matin ? As-tu un peu dormi et ton bobo est-il apaiséa ? J’attends avec impatience le moment où tu m’apporteras toi-même les réponses à toutes ces questions-là. En attendant je regarde briller au soleil ton torchon radieux qui témoigne que tu es déjà levé et déjà au travail ce qui est presque unb bon signe pour ta chère santé. Je ne sais pas ce qu’on projette pour tantôt en fait de promenade et de partie. Seulement le temps me semble assez grimaud ce matin pour ne pas risquer de dîner sur l’herbe ni de pique-niquerc de hasard dans des chambres moisies. Après cela je ferai ce que tu voudras pourvu que tu y trouves le moindre plaisir. Te complaire en tout est mon unique besoin. J’ai été bien heureuse des bonnes, douces, tristes et tendres paroles que tu m’as dites hier soir. Je sens que mon amour les mérite tout en reconnaissant, hélas ! le vide affreux que l’absence de tes adorables petits-enfants va faire dans ton cœur [1]. Ne pouvant les retenir près de toi, ne vaudrait-il pas mieux les suivre que de t’imposer ce grand supplice de tous les instants ?
BnF, Mss, NAF 16393, f. 260
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette
a) « appaisé ».
b) « presqu’un ».
c) « pique-nique ».