Guernesey, 23 mai [18]68, samedi matin, 7 h.
Je t’adore, ceci est pour moi. J’ai passé une très bonne nuit que je te dédie ce matin, voilà pour toi. Êtes-vous content, MÔSIEUR ? Moi, je ne le suis pas du temps qui menace de nous empêcher de sortir tantôt. Il est vrai que d’ici là il a le droit de changer son humeur grincheuse en un doux sourire, ce qui s’est vu quelquefois. Mais, qu’il change ou non de lubies, tâche de ne pas oublier d’apporter de la collation pour aujourd’hui. Je suis impatiente de savoir quelles nouvelles tortures attendent la pauvre Dea et le malheureux Gwynplaine en proie à leurs deux splendides démons, la belle Josiane et le beau lord David Dirry-Moira [1]. Jusqu’à présent, ces deux pauvres saltimbanques n’avaient été martyrisés que dans leur chair. Maintenant ils vont l’être dans leur amour, ce qui est le comble de la cruauté et de l’enfer. Et dire qu’il n’y a pas moyen d’empêcher cela ! Dieu lui-même ne le peut peut-être pas puisque l’infidélité et la jalousie existent de tout temps. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 143
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « lord David Diry-Moir ».