Guernesey, 2 mai [1868], samedi matin, 7 h.
Cher adoré, bonne nuit, et toi ? Je t’aime, et vous ? Tout va bien, à ma bête d’indisposition près. J’espère que la beau temps la fera cesser bientôt ; en attendant, je conserve mon pseudonyme de Montolieu [1] et je n’en suis pas plus fière (ne pas glisser sur ce mot-là) pour cela. Ce soir, si tu veux, en l’absence de Kesler et de Mme Chenay, nous reviendrons à la maison lire un peu du vrai Voltaire ; à moins que tu ne préfères que ce soit chez toi à cause de l’installation du feu et de la lumière que je n’aurai pas chez moi. Ou bien encore, nous ferons un fort passus avant de nous coucher pour peu que le temps soit aussi beau ce soir et aussi doux qu’il est ce matin. Je suis prête à tout ce qui peut te rendre la soirée moins longue et moins maussade. Je pense avec regret que notre collation sera bien courte aujourd’hui. Tâche que ce ne soit pas pour longtemps. Est-ce que tu ne pourras pas nous en donner pour demain ? Laisse-toi attendrir, mon cher bien-aimé, et apporte-moi beaucoup, beaucoup, beaucoup de ton grand, grand, grand livre [2].
BnF, Mss, NAF 16389, f. 121
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette