Guernesey, 22 novembre, [18]65, mercredi matin, 7 h. ¼
À mon tour d’être patron-minette ce matin et au vôtre d’être le paresseux. Voime, voime, très exact. Bum ! Voici le coup de tam-tam du soleil [1]. Mais tout cela ne me dit pas comment tu as passé la nuit ni comment vont les chères Binettes [2] et c’est ce que je voudrais savoir pour régler la joie ou la tristesse de ma matinée. Dans l’ignorance, je tâche de croire que tu as bien dormi et que tu te portes à merveille. Nous verrons si j’ai eu raison.
Quelle belle lettre ton Charles t’a écrite et quel dommage qu’on ne puisse pas la publier [3] ! Ce serait certainement le meilleur, le [plus] délicat, le plus profond et le plus lumineux de tout ce qui se dira, s’écrira et s’imprimera sur ton merveilleux livre à présent et toujours [4]. Je complète mon exclamation sur le PÈRE par celle des fils : QUELS BEAUX FILS, QUELS BONS FILS, QUELS ADORABLES FILS VOUS AVEZ. Quelle charmante idée tu as eu hier, mon doux adoré, à propos d’autographes. Ce sera certainement une chose très curieuse que cette manière originale de collectionner l’écriture des personnes remarquables de ce temps-ci par la suscription de ton nom. Je te remercie de me dédier cette pièce intéressante. Voilà un temps qui n’abrègera pas mon impatience de voir arriver mes bibelots [5]. Il a fait une forte tempête cette nuit et la mer est encore très agitée ce matin. Il n’y a plus à compter sur Duverdier, en supposant qu’on y aita jamais compté [6]. La promenade d’hier m’a miseb en goût et si le temps le permet, je te prierai de me faire sortir tantôt. En attendant je vais prendre mon bain et faire toutes mes petites affaires pour être prête. Je t’aime, mon cher petit homme. Je vous adore, le maître.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 183
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « est ».
b) « mis ».