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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mars 1842

17 mars [1842], jeudi, midi ½

Bonjour mon Toto bien aimé. Bonjour mon Victor chéri. Bonjour mon cher petit homme adoré. Ma pendule avance d’une heure [1] et de plus je suis habillée et débarbouillée et mon ménage est fait.
Je vous attends sous les armes mon Toto et toute prête à profiter du soleil si le Triger et le Toto le permettent [2]. J’espère que non. Non mais sans rire mon amour, j’attendrai avec patience, courage et gaîté que ton travail te permette de me faire sortir. L’espoir d’un prochain voyage me soutient et me donne des forces pour attendre [3]. Ainsi, mon Toto, ne te tourmente pas à ce sujet. Pourvu que tu m’aimes et que tu me sois fidèle, c’est tout ce qu[‘il]a me faut ; très peu de chose à la fois comme tu vois. Moi je t’aime, il n’y a pas d’expression, pas de mots, pas de caresses qui puissent te le dire autant que ça est dans mon cœur. Je vais te voir tout à l’heure, mon cher adoré, quel bonheur pour moi, je voudrais que ce fût tout de suite. Jour Toto. Jour mon cher petit O. J’ai passé une très bonne nuit. Je n’ai toujours rien de nouveau, je n’ai que très mal à la gorge comme j’avais autrefois. J’espère que le Triger comprendra qu’il est parfaitement inutile et qu’il se donnera son congé à lui-même si non je le lui donnerai moi comme un [lion ?].
Baise-moi toi et aime-moi seulement la moitié de ce que je t’aime, c’est assez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 169-170
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « qui ». 


17 mars [1842], jeudi soir, 4 h. ¾

Vous triomphez encore, méchant homme, vous triomphez toujours jusqu’à ce que vienne mon tour, s’il vient jamais. Le hideux Triger n’est pas venu. Ainsi je suis séquestrée à toujours s’il lui plaît de ne plus revenir [4]. Cet avenir ne manque pas d’un certain charme et je ne demande pas mieux que de le savourer par avance. Pendant ce temps là, vous vous en donnez de la promenade, du soleil et de TOUT, brigand, mais que je prenne un jour ma volée et vous courrez après moi un peu longtemps, si vous courez toujours. Baise-moi, monstre d’homme. Êtes-vous alléa à l’Académie tantôt ? Probablement oui. Vous êtes capable de tout, excepté ce QUE JE SAIS BIEN. Voime, voime. Je M’ENTENDS et VOUS AUSSI. Taisez-vous. Pour profiter du beau temps, je fais mes chemises auprès de mon feu, c’est toujours ça de gagnéb. Claire dessinaillec à mort [5]. Et vous, vous dites des bêtises à l’Académie. Nous ne perdons pas notre temps ni les uns ni les autres, ia ia Monsire Matame. À propos, pendant que j’y pense, écris donc à ton cousin Trébuchet, c’est le moment ou jamais. Je sais bien, mon pauvre adoré, que tu es accablé de travail mais si tu peux trouver une minute pour cette lettre tu feras une bonne action envers ces pauvres Lanvin [6]. Je t’aime, mon Toto chéri. Je t’aime, mon amour adoré, crois-le bien car c’est la sainte vérité. Quand te verrai-je mon Toto chéri ? À peine as-tu tourné le coin de ma rue que je me fais cette question jusqu’à ce que je te revoie. Tu es mon Toto adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 171-172
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « aller ».
b) « gagner. ».
c) « dessinnaille ». 

Notes

[1Elle fait mention de sa pendule défectueuse à de nombreuses reprises dans sa correspondance, il s’agit sûrement d’un « défaut » intentionnel de sa part.

[2Après avoir été malade au mois de février et en convalescence depuis début mars, Juliette pense qu’elle est enfin rétablie. Elle n’attend plus que l’approbation de son médecin, le docteur Triger, dont elle se défie.

[3Depuis 1834, Hugo et Juliette ont pris l’habitude d’effectuer un voyage de quelques semaines ou mois pendant l’été et le printemps. L’année précédente, le poète était trop occupé à la rédaction de son ouvrage Le Rhin et leur voyage annuel n’a pas eu lieu. Cette année, le voyage sera une fois de plus annulé.

[4Après avoir été malade au mois de février et en convalescence depuis début mars, Juliette pense qu’elle est enfin rétablie. Elle n’attend plus que l’approbation de son médecin, le docteur Triger, dont elle se défie et dont elle espérait lui donner congé le matin même.

[5Claire Pradier, qui depuis 1836 est en pension dans un établissement de Saint-Mandé, vit actuellement chez sa mère depuis le mois de janvier et ne sera de nouveau admise dans son pensionnant qu’au mois de mai. Elle occupe ses journées à dessiner, faire des sorties avec Mlle Hureau ou aller à l’église.

[6Depuis 1839, Lanvin était employé au Théâtre de la Renaissance. Or le théâtre a fermé ses portes le 23 mai 1841 et l’ami du couple se retrouve donc sans emploi. Depuis, Juliette demande régulièrement à Hugo de solliciter son cousin pour l’aider à trouver une place : il travaille à la Préfecture de Police de Paris. Sa dernière relance date de sa lettre du 15 mars.

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