5 juin 1868

Guernesey, 5 juin 1868, vendredi matin, 6 h. ½

D’abord je vous aime, et puis je t’adore, et enfin j’ai bien dormi. Voyons à présent votre style. La serviette était à son poste comme toujours tout à l’heure quand j’ai regardé ta maison mais cela ne me dit pas à quelle heure tu t’es levé ni si tu as bien dormi. J’en suis réduite tous les matins à prendre comme fait accompli le désir que j’ai que tu aies passé une bonne nuit, ce qui est loin d’être une certitude suffisante pour ma satisfaction. J’espère pourtant que mon cœur ne se trompe pas ce matin en pensant que tu as dormi comme un bon petit noir à moi.
Je crois que ce brave petit Pelleport qui t’admire et qui t’adore presque autant que moi a été hier bien désappointé et bien contristé de ne pas t’entendre dire ou lire tes vers. Mais il est si discret et si respectueux envers toi qu’il n’a pas osé te le montrer, mais on sentait qu’au fond il en était tout chagrin. C’est dommage car c’est un cœur honnête et doux. Une autre fois, tu tâcheras de le dédommager et nous en profiterons tous. Je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 156
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette