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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mai 1840

14 mai 1840, jeudi soir, 8 h. ¾

Mon cher petit bien-aimé, j’ai voulu me peigner et chercher mes cheveux blancs auparavant de t’écrire, ce qui m’a conduit jusqu’à présent. J’ai eu la visite de mes deux vieilles amies Eulalie et Joséphine et je les ai retenues à souper à la croque au sela, une côteletteb de porc frais, des œufs et voilà. Tu auras ton petit souper intact et que je te servirai avec bien de la joie. En attendant le souper qui n’est pas fait, Eulalie travaille pour moi à me faire une petite garniture de cou avec des morceaux de guipure à moi. Pendant ce temps je t’écris pour te dire que je t’aime et que je t’adore. Je suis triste de ce que tu n’es pas revenu une petite goutte dans la journée. Maintenant que tu es libre tu devrais m’en donner toutes petites miettes qui tombent de toutes tes heures de liberté, je ne dis pas de loisir car je sais bien que tu travailles toujours. Pourquoi que tu n’es pas venu aujourd’hui, méchant ? J’ai payé le bottier tantôt, 47 F. 10 sous, les souliers 7 F. 10 sous, toujours a-t-il dit.
Voici Résisieux qui vient me demander le journal mais je ne lui ai pas donné comme tu penses, du reste elle va remonter pour grugeotter le dîner. C’est mon chat. Tu m’as vuec bien souffrante tantôt, mon amour, cela tient à ma tête. J’ai besoin d’air et comme je sors peu le lit m’est plus contraire et plus fatigantd que si je prenais beaucoup d’exercice. Tu es trop bon et trop juste pour ne pas te rendre compte de cela et pour m’en vouloir d’une infirmité qui ne dépend pas de moi. Je t’aime mon Toto, je vous aime mon cher petit homme. Seulement vous devenez trop élégant. Faut de la vertu pas trop n’en faut et vous êtes sur la pente d’une élégance forcenée qui nuira à l’ensemble ravissant de toute votre chère petite personne. Du reste baisez-moi, ce que j’en dis c’est pour vous et pour vos pauvres effets d’équipements que vous saccagez d’une manière barbare et féroce. Tâchez de venir tout à l’heure et songez à ne pas m’échapper cette nuit car je n’entends pas raillerie à ce sujet.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 141-142
Transcription de Chantal Brière

a) « croqu’au sel ».
b) « cotellette ».
c) « vu ».
d) « fatiguant ».

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