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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 mars 1840

25 mars [1840], mercredi après-midi, 1 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon amour. C’est aujourd’hui qu’on donne Marion [1] mais tu ne voudrais pas m’y mener ? C’est très vilain et très méchant. Baisez-moi alors et tâchez de souper avec moi comme l’autre foisa, c’est bien le moins que vous me rabibochiez de cette façon de la privation de ma pauvre Marion. Je vous ai fait de la tisaneb NEUVE, j’ai bu la vieille et je l’ai trouvée très bonne, quoi quec vous en disiez, vieux gouillaffe. C’est aujourd’hui qu’on doit venir pour l’argent de la table qui est tout prêt grâce à toi, mon pauvre adoré, grâce à tes pauvres yeux, grâce à tes nuits sans sommeil et sans repos, pauvre petit homme. Je t’aime mon Toto chéri, je t’aime mon amour, tu es mon sauveur et mon ange, tu es bien plus, tu es mon amant bien-aimé.
Je vais copier aujourd’hui le voyage d’Avignon [2] mais je suis déjà triste de voir le fond de mon sac et de n’avoir plus rien en PORTEFEUILLE, vous me faites languir après ce bonheur-là comme après tous les autres, vous ne vous prodiguez en rien qu’en argent, la seule monnaie dont l’amour ne se paie pas. Enfin vous n’en êtes pas moins un Toto ravissant et que je voudrais baiser à toute heure du jour et de la nuit. Je vous aime qu’on vous dit. Baisez-moi, aimez-moi et venez bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 302-303
Transcription de Chantal Brière

a) « l’autrefois ».
b) « tisanne ».
c) « quoique ».


25 mars [1840], mercredi soir, 5 h. ½

Nous voici en fricot et en fricassée, mon amour, mais j’ai le pressentiment que tout cet aria [3] ne servira à rien qu’à rester au coin de mon feu à vous attendre jusqu’à 1 h. du matin comme à l’ordinaire. Il est certain que vous n’alliez pas chez vous tout à l’heure et que ce n’était pas le démon de l’inspiration qui vous faisait aller dans l’intérieur de la ville sous la neige et en habit ? Quand vous voudrez me faire accroire cela, vous jettereza encore plus d’huile d’AIX sur votre redingoteb, vous vous lèverez plus matin et surtout vous ne serez pas aussi bien barbifié, entendez-vous ?
Je ne suis pas très contente de vous et j’ai le cœur plein de soupçons, de jalousie et de tristesse. Vraiment je ne suis pas heureuse car je ne suis pas aimée, du moins j’en ai la peur qui me fait presque autant de mal que le mal lui-même. Je vous conseille d’être bien sincère et bien amoureux ce soir si vous tenez à dissiper le gros nuage noir amoncelé sur mon pauvre cœur. En attendant je m’apprête comme si j’étais sûre que vous veniez me chercher tandis qu’il est probable que vous dînez en ville et que vous avez envoyé votre monde à Marion [4] ce soir. Si cela était vous seriez bien coupable de vous moquer de moi à ce point et prouverait plus que l’infidélité la plus consommée que vous ne m’aimez pas et que vous ne m’avez jamais aimé. Mon Dieu, je souffre mon Toto.

BnF, Mss, NAF 16341, f. 304-305
Transcription de Chantal Brière

a) « jeterez ».
b) « redingotte ».

Notes

[1Marion de Lorme.

[2Juliette et Hugo ont fait halte à Avignon à la fin du mois de septembre 1839.

[3Aria : obstacle imprévu, embarras, tracas.

[4Marion de Lorme.

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