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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 juillet 1851, jeudi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon petit homme, bonjour, ma vie, ma joie, mon âme, bonjour. J’espère que tu auras eu le temps de rentrer chez toi avant la trombe d’eau qui a éclaté dès que tu as eu tourné le coin de ma rue ? J’espère encore que tu n’en seras pas plus souffrant ce matin. Il serait trop amer et trop triste de penser que tu as été si mal récompensé de la bonne action que tu as faitea en venant voir la pauvre femme qui t’aime de toute son âme et qui ne vit qu’en toi, par toi et pour toi. Je vois avec chagrin que toute cette lune sera pluvieuse. On dirait que le bon Dieu fait cause commune avec la réaction, lui aussi, ce qui n’est pas très généreux pour un vrai Dieu inamovible. Il faudra, mon pauvre bien-aimé, dès que cette discussion de révision sera terminée, aviser sérieusement à prendre du vrai repos. Pour cela il faut absolument t’éloigner de Paris parce que sans cela tout ce que tu feras pour t’isoler des affaires ne servira à rien. Il n’y a que l’éloignement qui puisse te rendre ce service. En attendant je vois avec inquiétude approcher le moment où tu parleras [1]. Je voudrais que ce fût déjà fini pour être sûre que le mal est moins grand que je ne le redoutais, pour avoir un beau discours de plus à admirer, pour te soigner et pour te guérir en [illis.].

Juliette

BnF, Mss NAF 16369, f. 107-108
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud]

a) « la bonne action que tu as faites ».


10 juillet 1851, jeudi soir, 9 h. ¼

Sois prudent, mon bien-aimé, ne t’expose pas ce soir au froid et à la pluie, ne viens pas. C’est une prière que je te fais dans l’intérêt de ta chère santé qui est aussi celui de mon bonheur. Il m’est impossible d’être heureuse quand je te sais souffrant ; c’est pourquoi je te supplie de te soigner sans aucune préoccupation que celle de te guérir le plus vite possible. Si tu savais ce qu’il y a de tendresse et d’amour dans cette recommandation dans laquelle je te sacrifie le seul plaisir et la seule joie que j’aie en ce monde : te voir, tu m’en aimerais davantage et tu te dépêcherais de te guérir avant toute chose. J’ai vu Julie [2] ce soir qui est venue savoir de tes nouvelles et des miennes et en même temps lire les articles de Monsieur Charles. Si jamais tu pouvais m’abonner à L’Événement tu lui ferais personnellement un plaisir bien vif parce que je lui en prêterais la collection de temps en temps. En attendant elle ne néglige aucune occasion de lire ce petit journal au risque de manquer de respect au Moniteur du soir [3] et à tous ses Petits. Couchez-vous de bonne heure, mon cher petit homme, il pleut, il fait froid, vous êtes fatigué, dormez. Moi, pendant ce temps-là, je vous aime, je pense à tous les moyens qui peuvent vous guérir plus vite. Je vous baise et je vous souris de l’âme. Bonsoir. Dors bien. Mon Victor, je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss NAF 16369, f. 109-110
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Nouvelle allusion au discours que Victor Hugo doit prononcer le 17 juillet, « Révision de la Constitution ».

[2À identifier.

[3Journal créé par Anténor Joly, qui fut le premier directeur du Théâtre de la Renaissance.

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