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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 10 février 1852, mardi

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour. Je te souris de loin, je t’aime et je tâche d’être heureuse. J’ai été bien contente hier de te voir dans la soirée, mais quand je pense à quel fil mon bonheur a tenu j’en suis presque effrayée car si Darius [1] avait chanté ou si les gargouilleuses quelconques avaient été dignes de ton attention je ne t’aurais pas vu de la soirée, ce qui aurait été bien triste pour moi. Enfin, le bon Dieu a eu pitié de moi, encore cette fois, et il a, fort à propos, enroué le chanteur intéressant et éraillé les beaux yeux des prima donna de l’endroit. Mais aujourd’hui il se présentera d’autres distractions plus piquantes que celles-là, et alors, tant pis pour moi. Je sais cela mon bien-aimé et JE RIS tant que je peux puisque je ris. Après tout, on pleure bien de joie. Je ne vois pas pourquoi on ne rirait pas d’autre chose. Je vais me dépêcher de faire ton déjeuner je te l’enverrai à heure précise. En même temps Suzanne rapportera ton linge et celui de Charles.
Cher petit homme je vous aime, je vous aime trop, vous êtes bien bon et je suis une bête, voilà ma vraie opinion sur vous et sur moi et que je signerai de mon sang quand vous voudrez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 79-80
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 10 février 1852, mardi, midi ½

Je ne demanderais pas mieux que de t’obéir maintenant mon petit homme en sortant mais tu m’as fait dire que tu viendrais à midi et j’ai si peur de te manquer d’une minute que, quels que soient le rayon de soleil et le désir de faire ce que tu veux, je ne peux pas me résoudre à m’en aller sans t’avoir vu. Tout ce que je peux faire c’est de m’habiller d’avance et de t’attendre sous le harnois. Après cela c’est si triste pour moi de sortir seule, j’y suis si peu habituée que véritablement loin de te faire un sacrifice en restant chez moi je cède au contraire à ma répulsion pour la promenade solitaire.
Pauvre petit homme tu étais déjà à la besogne quand Suzanne est allée te porter le chocolat et le couvert était déjà symétriquement mis. Il paraît que la belle tabatière est d’une grande exactitude dans son service. Cela doit être et je ferais la même chose à sa place. Heureux homme que vous êtes.
Tu auras sans doute reçu des nouvelles de Paris aujourd’hui. Ce serait la première fois qu’on serait resté si longtemps sans t’écrire ce qui n’est pas vraisemblable. Après cela si tu crois devoir me le cacher tu en es le maître. Seulement ne m’impose pas l’hypocrisie d’avoir l’air de ne pas m’en apercevoir. Maintenant mon Victor, je t’aime, je t’attends, je te désire et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 81-82
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À élucider.

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