Paris, 14 octobre 1881, vendredi matin, 7 h.
Cher bien-aimé, ta mauvaise nuit gâte beaucoup ma bonne et je m’en veux presque de l’avoir eue sans toi. Peut-être, même, as-tu eu besoin de ton Tolu [1] pendant que je dormais comme une bête que je suis. J’en suis profondément humiliée. Pour m’en consoler j’ai besoin de penser que tu vas mettre toute la matinée à profit en dormant à poings fermésa pendant que je m’occupe à dépouiller tes lettres qui, presque toutes, sont d’une monotone mendicité, y compris celle d’Albertine Séran qui t’écrit pour t’intéresser à son éternelle misère. J’ai mis la lettre de côté dans le cas où, par habitude, tu voudrais venir cette fois encore à son secours.
Tu trouveras une invitation du maire de notre arrondissement, Henry Martin, qui t’invite officiellement à la cérémonie de la pose de la première pierre du collège demain, samedi, à deux heures précises [2]. Je ne pense pas que tu puissesb te soustraire à cette cérémonie utile entre toutes et qui aura lieu dans ton voisinage. Ton petit Georges y sera, raison de plus pour que tu y sois auprès de lui, il me semble.
Et raison de plus pour moi de t’adorer en toute occasion privée et publique [3] au dedans et au dehors [illis.].
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 228
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « poing fermé ».
b) « puisse ».