Paris, 2 janvier 1881, dimanche matin, 10 h.
Cher bien-aimé, je te félicite de tout mon cœur d’avoir, depuis trois jours, repris l’habitude des bonnes nuits. C’est un bon exemple que je m’efforcerai de suivre si mes vieilles douleurs veulent bien s’y prêter. En attendant je reprends force et courage en relisant la bonne petite lettre adorée que tu m’as écrite hier [1]. Je l’ai tant et tant baisée et rebaisée que je crains de l’user. Quand elle n’est pas sur mon cœur elle est sur mes lèvres et réciproquement depuis que je l’ai en ma possession. C’est, à défaut de ta personne en chair et en os, que je me livre à ces féroces tendresses sur ce cher papier qui la remplace.
Lesclide est déjà en train de trier les lettres et les cartes manuscrites de la semaine. Il déjeunera et dînera avec nous, plus son gendre et sa fille, Gassier et Catulle Mendès, Mme Dorian et sa fille [Lilas ?] [2]. En tout 12 personnes.
On a remis ce matin la note de lait qui se monte à 49 F. 10 centimes. 31 F. pour ton mois et dix-huit jours pour moi 18 F., total avec les timbresa 49 F. 10 qui s’ajoute à la multitude de petites étrennesb que j’ai dû donner aux porteurs de cadeaux depuis trois jours et à la grosse dépense de la journée d’hier et à l’argent que tu ne m’as pas donné en temps. Tu vois, mon cher petit homme, qu’il est urgent que tu avises à rembourser tout cela, y compris mon amour.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 3-4
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « timbre ».
b) « étraines ».