Paris, 1er août 1881, lundi matin, 6 h.
« Car que faire en un lit à moins que l’on y dorme ? » [1] Ne pouvant pas y dormir, je viens passer ici mon insomnie avec ta pensée, mon pauvre trop aimé, qui ne me quitte jamais. Je me suis levée plusieurs fois cette nuit pour t’offrir ton Tolu [2] dans le cas où tu ne dormirais pas mais j’ai constaté, chaque fois avec plaisir, que tu n’avais pas besoin de cet auxiliairea pour ronronner paisiblement, ainsi que je viens de te laisser tout à l’heure en sortant de ta chambre. Dors, mon grand bien-aimé, pendant que je m’occupe de toi et que je t’aime. Dès que Célanie sera levée, je me ferai préparer un bain pour tâcher de me ravigoterb un peu car je suis à bout de force et de courage.
Est-ce aujourd’hui que tu prendras le temps d’aller chez le notaire ou que tu me donneras celui d’aller au Louvre ? That is the question qu’il serait bon de résoudre pour l’une ou pour l’autre.
En attendant je fais de nécessité vertu sans aucunec espèce de plaisir ni d’enthousiasme. Et puis je t’aime, je t’aime comme une pauvre vieille bête que je suis pendant que tu serres et que tu tires mon licou [3] à le rompre.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 176
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « auxilliaire ».
b) « ravigotter ».
c) « aucun ».