22 septembre 1841

22 septembre [1841], mercredi soir, 7 h.

Voici une bonne œuvre accomplie, mon Toto, grâce à ta complaisance et je t’en remercie du fond de l’âme. J’ai bien encore un peu mal à la tête mais si tu viens ce soir et si tu es bien bon, cela me guérira. Pauvre Toto bien-aimé, je te demande pardon si je t’ai affligé tantôt, tu peux être sûr que c’est lorsque je souffre beaucoup moi-même et que je ne me connais plus quand je me laisse aller à ces violences qui te laissent ainsi qu’à moi de si tristes et de si douloureuses^a impressions. L’indépendance et la sauvagerie naturelle de mon caractère reparaissent malgré moi mais je peux t’assurer que ce n’est qu’après avoir longtemps lutté et souffert beaucoup qu’elles ont le dessus. Enfin, mon pauvre ange, voici encore un incident qui me fera me tenir en garde contre moi-même plus que jamais car, avant de vivre et de respirer, j’ai besoin de ne t’être pas ODIEUSE. Je suis capable de tout pour éviter d’entendre une seconde fois cet affreux mot et je suis capable aussi de me tuer si j’avais la certitude que tu ne m’aimes plus, ce qui est la même chose. N’est-ce pas, mon Toto, que je ne te suis pas odieuse ? N’est-ce pas que tu m’aimes ? N’est-ce pas que je peux t’adorer en toute sécurité et que tu es heureux ? Mon Toto bien-aimé, ma vie, ma joie, mon amour, je t’aime plus que jamais, moi. Plus que jamais je suis éblouie et ravie de toi, plus que jamais je t’aime et je t’adore. Je ne serai plus jamais méchante, entends-tu mon amour ? Je te demande pardon de tous mes trimes et j’embrasse tes chers petits pieds divins.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 239-240
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « douloures ».