Paris, 24 octobre [18]79, vendredi soir, 4 h.
Cher bien-aimé, je suis bien heureuse que tu te sois aperçu de l’absence de ma pauvre petite restitus [1] ; mais j’ai été bien malheureuse et bien penaude pendant les deux longs jours où je l’avais mise en fourrière pour la punir de ne pas savoir se faire compter par toi. Je ne l’en aurais même fait sortir jamais si tu ne me l’avais pas redemandée, non par besoin, mais par courtoisie, il n’importe. Il suffit que tu aies eu la bonté de demander sa grâce, c’est-à-dire la mienne, pour que je m’empresse avec bonheur de nous l’accorder à elle et à moi. Dorénavant je résisterai à mes scrupules pour n’écouter que mon cœur. Il vaut mieux un peu moins de fierté et beaucoup plus de bonheur. Donc restitus toujours et plutôt deux fois qu’une.
Je suis si heureuse que les larmes m’en viennent aux yeux. Je te souris avec toute la joie de mon âme et je te bénis dévotement de tout mon cœur qui t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 254
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette