Paris, 18 juillet [18]79, vendredi matin, 8 heures
Cher bien-aimé, je n’ai de bon en moi que mon amour. Je te le donne, prends-le en attendant mieux. J’ai passé une fichue nuit, j’espère que tu l’auras euea meilleure et en quantité suffisante pour que j’en prenne ma part. Je suis allée te porter mon bonjour discret mais tu dormais si bien que me suis retirée clopin, clopant, clopinante, comme toujours, et plus que jamais et il est probable que ce sera toujours jusqu’à la fin prochaine de mes beaucoup trop nombreux vieux jours. Prends-en ton parti comme j’en prends le mien en souriant et en t’aimant d’autant plus.
À propos de parti, je crois que cette vieille canaille de Médard [1] commence à battre en retraite. Ce porteur d’eau du ciel a dû mettre son tonneau à sec jusqu’à l’année prochaine : Deo Volente. À nous de profiter de sa morte saison en nous donnant de l’air et du soleil pour tout le brouillard et toutes les averses que nous avons gobéesb et reçues sur le dos. Moi je t’adore, je me fiche du reste à la condition que tu t’en fiches autant que moi.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 177
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « eu ».
b) « gobé ».