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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 16 juillet [18]79, mercredi matin

Bonjour, mon grand, mon doux, mon ineffable bien-aimé, je te souris et je t’adore. Comment as-tu passé la nuit ? As-tu mieux dormi que la nuit dernière ? Je l’espère autant que je le désire. Quant à moi, vaincue par l’excès d’insomnie, j’ai dormi cette nuit à ne pouvoir plus m’éveiller ce matin car j’ai encore du sommeil plein la tête et plein les yeux, mais j’ai, aussi, plein mon cœur, les rayons divins de mon amour que rien n’a pu éteindre et n’éteindra jamais si tu le veux. Pour t’obéir, mon petit homme, je prends du papier entier au risque de le surcharger de tant de tendresse que tu n’en saches que faire et de tant de rabâcherie que tu en sois ennuyéa et fatigué avant le mot de la fin. Mais c’est de ta faute, ta très grande faute, peccata mundi [1].
Nous n’aurons pas ce soir notre cher Paul Meurice et sa douce et charmante famille, c’est une grande lacune dans nos joies intimes et j’ai grand hâte que quelque bon vent nous la ramène plus tôt qu’elle ne le croit. Je sais que Meurice doit venir pour ta fête [2] à la fin de cette semaine et à ce propos je te prierai de me dire comment je dois la diriger. Tu as reçu une lettre d’Hetzel très charmante et d’allure très honnête pour l’affaire qu’il te propose conjointement avec Paul Meurice. Je te la donnerai tantôt quand tu seras levé. J’ai reçu aussi l’avis de la maison Rousselle d’avoir à payer le 14 août prochain un chèque de 3430 F. 50 : fournitures de vin d’office, de vin blanc, de vin de table, de Médoc de choix, de Madère, de Rhum, et de cognac, dont j’ai vérifié l’exactitude avec Mariette. C’est tout ce que nous pouvons faire. Le reste regarde la tempérance plus ou moins grande de tes invités qui boivent sec et mangent de même. Je te demande pardon de ce petit détail de ménage qui a bien son importance quand on en voit le total. Et puis, en fin de compte, comme au commencement, je t’aime, je te souris et je te bénis.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 174-175
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette

a) « ennuié ».

Notes

[1Littéralement « péchés du monde », expression latine extraite de l’Agnus Dei : « Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis » : « Agneau de Dieu, qui enlèves le péché du monde, aie pitié de nous ».

[2La Saint-Victor est célébrée le 21 juillet.

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