30 mars [1841], mardi soir, 7 h. ¾
Mon cher bijou d’homme, j’espère que la petite trempette de cinq heures et demie que vous venez de faire vous aura enlevé tous vos bobos. S’il en était autrement, il faudrait prendre encore un bain demain avec une addition d’un demia boisseau de son, ce qui vous rafraîchirab radicalement. Je regrette même beaucoup de n’y avoir pas pensé aujourd’hui assez à temps pour vous en mettre dans votre eau. J’ai bien envie de me donner des coups de poing dans le nez pour m’apprendre à avoir de la présence d’esprit une autre fois. En attendant, j’ai un affreux mal de tête qui me descend jusque dans les dents, j’ai une migraine atroce. Ia ia, il est son sarme mais c’est peu amusant.
On fera donc vos caleçonsc, mon amour, tant pis pour vous si cela ne réussitd pas. Je vous promets d’y mettre tous mes soins et toute mon attention mais si cela ne suffit pas vous ne vous en prendrez pas à moi [1]. Il me faudrait écrire au propriétaire [2] et au médecin [3] mais j’ai trop mal à la tête ce soir. Je viens de faire mon compte avec Suzanne, tout payé il lui reste 2 sous 1 liard pour demain. Quel bonheur !!! Nous avons dépensé seulement aujourd’hui 8 F. 13 sous. Pauvre bien-aimé, je te dis tout cela comme si tu me chicanaise sur l’argent. Ce n’est pas pour cela, mon adoré, car je me plais à reconnaître que personne n’est plus doux, plus confiant et plus généreux que toi pour tout, c’est seulement pour t’expliquer la cause de la rapidité avec laquelle notre pauvre argent disparaît. Jour mon cher petit o, jour mon gros to. Je t’aime, je t’adore.
Dites donc, à propos, je vous ai vu tout NU aujourd’hui. Mâtin de chien, ce n’est pas de la petite bière mais qu’est-ce qu’on dira dans le monde de vous si cela vient à sef savoir ! Vous en serez quitte pour dire qu’il y avait un très grand feu dans la cheminée. Toto est bête, c’est bien fait… Que dites-vous de mon invention ? Phameuse hein ? Si je voulais, je ferais ma fortune avec cette découverte mais je méprise l’or et les richesses. Je m’en tiens à la gloire et j’espère qu’elle ne me manquera pas une fois que j’aurai terminé votre discours de réception que j’ai si heureusement commencé [4].
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 299-300
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « demie ».
b) « raffraichira ».
c) « calçons ».
d) « réussis ».
e) « chicannais ».
f) « ce ».